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Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/70

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daignez prendre courage d’arriver en mesme point au midy de luy et d’elles, je dis de celles qui ne peuvent meurir que par temps et culture : car il en est quelques unes des plus recommandables, entre autres la Religion, la charité vers les pauvres, la chasteté et l’amour conjugale, dont vous avez touché le midy dès le matin. Mais certes il faut le courage requis à cet effort aussi grand et puissant que vostre Royauté, pour grande et puissante qu’elle soit : les Roys estant battus de ce malheur, que la peste infernale des flatteurs qui se glissent dans les Palais, leur rend la vertu et la clairvoyance sa guide et sa nourrice, d’un accez infiniment plus difficile qu’aux inferieurs. Je ne scay qu’un seur moyen à vous faire esperer, d’atteindre ces deux midys en mesme instant : c’est qu’il plaise à V. M. se jetter vivement sur les bons livres de prudence et de mœurs : car aussi tost qu’un Prince s’est relevé l’esprit par cet exercice, les flatteurs se trouvans les moins fins ne s’osent plus jouër à luy. Et ne peuvent communement les Puissans et les Roys recevoir instruction opportune que des mors : parce que les vivans estans partis en deux bandes, les foux et meschans, c’est-à-dire ces flateurs dont est question, ne sçavent ny veulent bien dire pres d’eux ; les sages et gens de bien peuvent et veulent, mais ils n’osent. C’est en la vertu certes, Madame, qu’il faut que les personnes de vostre rang cherchent la vraye hautesse, et la Couronne des Couronnes : d’autant qu’ils ont puissance et non droit de violer les loix et l’equité, et qu’ils trouvent autant de peril et plus de honte que les autres