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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

ont ordonné la construction et à ceux qui ont élevé l’édifice[1]. Ce document est divisé en deux paragraphes, qui sont séparés dans l’original (reproduit planche XXIII) par un espace en blanc.

§ 1er. — Il commence par un hymne à la divinité bouddhique, c’est-à-dire le Bouddha (auteur de la doctrine), le Dharma (sa loi) et le Sangha (la congrégation des fidèles)[2].

« Dieu vous soit en aide ! louange et bénédiction ! salut aux maîtres ! au plus parfait, à l’éminent Bouddha, qui a les signes caractéristiques et les proportions ; à l’excellente loi qui révèle l’entière vérité ; à la congrégation des fidèles qui s’efforcent vers la délivrance : honneur à ces trois suprématies après un prosternement aux pieds des supérieurs » (appelés ici Ḅla-ma ; comp. page 98).

Le reste de ce paragraphe relate dans le style ampoulé habituel, le fidèle attachement à la foi bouddhiste de Dharma-Raja Sengé-Nampar Gyalva et de son père[3], et le culte rendu par l’universalité des habitants de Ladak à la sainte trinité. Il est constaté que Songé Nampar ordonna de construire dans un style magnifique et dans ses résidences[4], le « Vihara des trois Gemmes », le Sangye chi soung thoug chi ten, c’est-à-dire le soutien du sens des préceptes du Bouddha, « d’où le soleil de la doctrine se leva dans ce pays, brillant comme l’aurore du jour. » Ce monastère est le « lieu où naquirent les entièrement victorieux (traducteurs) des trois secrets » (en tibétain

  1. Dans les spécimens du tibétain moderne, comme par exemple dans le traité entre Adolphe et les autorités de Daha (chap. XVI), et dans les noms géographiques, nous trouvons des mots qui ne se rencontrent pas dans la langue classique, et plus souvent encore des termes qui présentent l’orthographe la plus inattendue. Peut-être devons-nous l’attribuer à la corruption phonétique et la formation graduelle des dialectes ; mais il ne faut pas perdre de vue que peu de gens au Tibet savent écrire correctement, art qui n’était pas très général en Europe il y a encore peu de temps quand les écoles étaient restreintes aux seuls couvents.
  2. « La protection, qui dérive de ces trois trésors, détruit la peur de la reproduction, ou existence successive, la peur de l’esprit, la douleur à laquelle le corps est soumis, et la peine des quatre enfers ». Hardy, Eastern Monachism, p. 209.
  3. Dharmaraja, en tibétain Choichi gyalpo, ou par contraction Choigila, « roi de la loi », est un titre qui s’applique aux souverains et aux personnages mythologiques qui ont servi la cause du bouddhisme. — Ce roi est appelé par Cunningham, Ladak, chap. XII, Sengge Namgyal ; son père est nommé Jamya Namgyal. Jamya avait été détrôné et emprisonné par Ali Mir, fanatique musulman, souverain de Skardo, qui avait envahi Ladak et détruit les temples, les images sacrées et les livres bouddhiques. Mais plus tard Jamya fut rétabli dans son royaume, envoya une mission à Lhassa avec des présents précieux, et se montra un très fidèle croyant du bouddhisme.
  4. Le mot que nous traduisons ici « résidence », en tibétain pho-brang ṛnamṣ paraît à cause de la particule plurielle ṛnamṣ, signifier « territoires, terres ».