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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Paratantra est tout ce qui existe par une connexion dépendante ou causale ; c’est la base de l’erreur. À cette catégorie appartiennent l’âme, la raison, l’intelligence et aussi la méditation philosophique imparfaite. Chaque objet existe par enchaînement et a une nature spécifiée, c’est pourquoi on le dit dépendant d’autres, paratantra.

Parinishpanna, « complètement parfait » ou simplement « parfait », est la véritable existence immuable qu’on ne peut voir ni prouver ; c’est donc le but du chemin, summum bonum, l’absolu. À cette espèce ne peut appartenir que ce qui pénètre dans l’esprit, clair et sans obscurité, comme par exemple le vide, ou le non-moi. Pour affranchir son esprit de tout ce qui pourrait attirer son attention l’homme doit donc considérer toute chose existante comme imaginaire, parce qu’elle dépend de quelque autre ; alors seulement il arrive à une parfaite intelligence du non-moi et à reconnaître que le vide seul existe par lui-même, que seul il est parfait[1].

Nous arrivons maintenant aux deux vérités. Samvritisatya (tib. Koundzabchi denpa) et Paramārthasatya (tib. Dondampai denpa), ou la vérité relative et la vérité absolue. Les livres sacrés donnent de nombreuses définitions de ces termes, mais voici les deux principales :

Samvriti, ce qui est supposé comme l’influence d’un nom ou d’un signe caractéristique ; Paramārtha est l’opposé. Les Yogāchāryas et les Madyamikas ne s’accordent pas au sujet de l’interprétation de Paramārtha ; les premiers disent que Paramārtha est aussi ce qui est indépendant d’autres choses ; les derniers prétendent qu’il est limité à Parinihspanna ou ce qui a le caractère de perfection absolue. En conséquence, pour les Yogāchāryas Samvriti est Parikalpita et Paratantra, pour les Madhyamikas Parikalpita seulement.

Samvriti est l’origine de l’illusion. Paramārtha est la « science particulière[2] du saint dans sa méditation personnelle, qui est capable de dissiper les illusions », c’est-à-dire ce qui est au-dessus de tout (parama), et contient la vraie intelligence (artha.)

  1. Ces termes techniques ont été inventés par l’école yogāchārya. Sur une comparaison de Nirvāna avec le vent pour expliquer la nature de Nirvāna, voyez Hardy, Eastern Monachism. p. 295.
  2. Sanscrit Svasamvedana, « la réflexion qui s’analyse elle-même. »