Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 3, éd. Böcking, 1846.djvu/12

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changer rien d’essentiel a la fiction. Enfin de nombreuses imitations plus ou moins déguisées ont prouvé l’ascendant du génie oriental sur les littératures européennes.

Il est heureux que Galland ait mis de côté dans cette entreprise l’érudition qu’il possédait réellement. S’il avait joint à sa traduction des dissertations et des notes savantes, s’il avait, comme les traducteurs orientalistes affectent de le faire fort mal à propos, hérissé le texte de termes arabes qui surchargent la mémoire et souvent choquent l’oreille, son ouvrage serait peut-être resté enseveli dans la poussière des bibliothèques, sans qu’un homme d’esprit se fût avisé d’en découvrir le mérite. Mais Galland avait été engagé dans son travail par les sollicitations d’une dame : il n’eut d’autre pensée que de faire un livre amusant et populaire, et il y réussit complètement. Il ne s’attacha donc pas à traduire avec une fidélité scrupuleuse. A en juger sur un échantillon donné par M. Caussin de Perceval (Édition de 1806, Tome VIII. Préface, p. 26) qui a mis une traduction littérale en regard du commencement de celle de Galland, celui-ci aurait plutôt paraphrasé que traduit. M. Caussin de Perceval remarque que la brièveté de l’original tourne quelquefois a la sécheresse : fidèlement conservée, elle eût pu devenir obscure et énigmatique. D’un autre côté, Galland n’a pas eu l’ambition d’y mettre du sien : il a senti que les fleurs de la rhétorique nuisent plutôt à l’effet d’un récit d’événements qui piquent la curiosité et frappent l’imagination, qu’elles ne le relèvent. Son style est parfois un peu diffus et entremêlé de tournures surannées ; mais il est clair, facile et coulant, et sa simplicité naïve ne laisse pas d’avoir une certaine grâce.