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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/11

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tion avec ce qu’elle a de divinatoire, le respect enthousiaste pour les grandes œuvres de l’imagination créatrice et du génie original, l’intérêt compréhensif pour le symbole, le mythe et la mythologie : toutes dispositions favorables à la naissance ou au maintien, en tout cas à la pénétrante et sympathique intelligence de la religion. Et cette richesse affective, il la trouve ici complétée, beaucoup plus que ce n’est le cas dans le préromantisme des années 70, par certaines des qualités rationnelles qui en sont le correctif nécessaire sur le plan de la pensée ; il n’y trouve pas, il est vrai, le don de la vigoureuse et claire systématisation, mais bien le besoin d’universalité, l’intelligence affinée, élevée au degré d’intelligence de l’intelligence par le criticisme kantien, l’agilité discursive, la culture humanistique. Il trouve ainsi dans cet esprit, tout ce qui, répondant aux tendances du sien, fortifie en lui celles-ci en paraissant les justifier, alors que l’étroitesse chez les piétistes, le doctrinarisme chez les théologiens, l’avaient détourné de ses premiers maîtres.

On peut donc estimer aussi que cet esprit romantique, en facilitant la conciliation du mysticisme et du rationalisme, des croyances traditionnelles avec la pensée moderne, a donné à la religion un appréciable regain de vie. N’a-t-il pas contribué, par le ministère de Schleiermacher, à en accroître et l’intensité et l’extension dans le cadre d’une des grandes confessions chrétiennes, sous les espèces du protestantisme libéral, en France et en beaucoup d’autres pays aussi bien, qu’en Allemagne ? C’est là un des plus intéressants parmi les problèmes que posent ces Discours sur la religion. Il en sera tenu le compte qui convient, de même que de ceux relatifs au piétisme et au rationalisme ambiants, dans l’Introduction qui suit, préface de la première traduction française qui soit publiée de ce texte.

Cette introduction ne se propose pas de pousser plus loin qu’il n’a plu à Schleiermacher les définitions et discussions de ces Discours dans le sens d’une exégèse théologique et philosophique. Interprète fidèle de l’esprit du texte, elle s’adresse au public cultivé, non aux spécialistes. Tout en observant l’ordre suivi par l’auteur, afin de permettre au lecteur de le suivre lui-même plus aisément dans sa libre allure, elle vise, par des synthèses partielles de ce qu’il a trop dispersé, par les remarques que suggèrent les variantes