Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les nobles actions d’hommes animés de l’enthousiasme divin. Si, même sous ces aspects particuliers, [31] vous ne découvrez rien de nouveau et de péremptoire, — et dans l’intérêt confiant que je porte à la bonne cause, j’espère pourtant que, malgré votre science érudite et vos connaissances, il n’en sera pas ainsi —, si alors votre conception étroite, qui n’est le produit que d’une observation superficielle, ne s’élargit pas et ne se transforme pas ; si vous pouvez même alors mépriser encore cette direction de l’âme orientée vers l’éternel ; s’il peut encore vous sembler ridicule de voir considérer de ce point de vue aussi tout ce qui est important pour l’homme : s’il en est ainsi, je veux croire que votre mépris de la religion est conforme à votre nature, et je n’ai plus rien à vous dire.

Mais n’allez pas craindre que, finalement, je veuille recourir tout de même à ces moyens de persuasion vulgaires qui consisteraient à vous représenter comme elle est nécessaire, soit pour maintenir le droit et l’ordre dans le monde, soit pour obvier à la myopie des vues humaines et à l’étroitesse des limites du pouvoir de l’homme, par le rappel à un œil omnivoyant et à une puissance infinie, ou bien encore à vous représenter quelle fidèle amie et salutaire assistante elle est pour la moralité, facilitant puissamment, grâce à la sainteté de ses sentiments et au brillant éclat de ses perspectives, à l’homme faible la lutte contre soi-même et l’accomplissement du bien[1]. Ainsi parlent [32] sans doute ceux qui prétendent être les meilleurs amis et les plus zélés défenseurs de la religion. Mais je ne veux pas, moi, décider ce qui, dans une telle façon dépenser, est le plus méprisable : le droit et la moralité, qui sont présentés comme ayant besoin d’un appui, ou la religion, qui doit leur procurer cet appui, ou vous-mêmes, à qui l’on tient ce langage. De quel front pourrais-je bien attendre de vous, en admettant que ce sage conseil vous soit donné à vous, que vous jouiez un vain jeu avec vous-mêmes à l’intérieur de votre moi, et vous laissiez pousser, par quelque chose que vous n’auriez d’autre part aucune raison d’estimer et d’aimer,

  1. À partir d’ici et jusqu’à la fin de ce Discours, l’auteur combat la thèse, indigne à son avis de la vraie religion, de ceux qui la défendent, en raison de l’appui qu’elle donne à la moralité et au droit.