Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle cette forme de la religion. La foi dans le Messie en fut le dernier fruit, produit d’un grand effort : un nouveau souverain devait venir pour restaurer dans sa magnificence la Sion où la voix du Seigneur s’était tue ; par la subordination de tous les peuples à la loi ancienne, le déroulement simple des événements devait comprendre de nouveau, comme au temps des patriarches[1], tous les événements du monde, alors que son cours se trouvait à présent[2] entrecoupé par l’hostilité réciproque des peuples, l’antagonisme des forces et la différence des mœurs dans l’univers. Cette foi s’est maintenue longtemps, comme il arrive souvent qu’un fruit isolé, après que toute la sève vitale a disparu du tronc, reste jusque dans la saison la plus rude, suspendu à une branche flétrie, et là se dessèche. Ce point de vue borné permit à cette religion, en tant que religion, une durée courte. Elle mourut quand ses livres saints furent fermés. Alors l’entretien de Jéhova avec son peuple fut considéré comme terminé ; l’alliance politique qui y était attachée traîna encore quelque temps une existence languissante ; son apparence extérieure s’est maintenue beaucoup plus tardivement encore, manifestation déplaisante d’un [291] mouvement mécanique, après que vie et esprit se sont depuis longtemps retirés.

L’intuition primordiale du christianisme est plus grandiose, plus haute, plus digne d’une humanité parvenue à la maturité ; elle est apte à pénétrer plus profondément dans l’esprit de la religion systématique, et à se répandre plus largement sur tout l’univers. Cette intuition n’est autre que celle de l’universelle opposition de tout ce qui est fini à l’égard de l’Unité du tout, et celle de la façon dont la Divinité traite cette opposition, atténue par des médiations cette hostilité à son propre égard, et limite le grandissant éloignement, en parsemant l’ensemble de points isolés, qui participent à la fois du fini et de l’infini, de l’humain et du divin. La corruption et le rachat, l’hos-

  1. Ce complément de temps est une adjonction de C.
  2. Ce complément-ci est une adjonction du traducteur, dans l’intérêt de la clarté.