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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/326

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l’origine en fût-elle divine ; de nouveaux émissaires de Dieu deviennent nécessaires pour attirer à eux, avec une force rehaussée, ce qui a reculé, purifier par un feu céleste ce qui a été corrompu, et de telles époques de l’humanité deviennent chacune la palingénésie du christianisme, elles en réveillent l’esprit sous une forme nouvelle et plus belle.

Mais s’il doit par conséquent toujours y avoir des chrétiens, le christianisme doit-il pour cette raison être sans limite dans son extension générale aussi et [310] régner seul dans l’humanité, comme forme unique de la religion ? Il dédaigne ce despotisme ; il respecte assez chacun de ses propres éléments pour voir volontiers, dans chacun d’eux aussi, le centre d’un tout ayant sa nature propre ; il ne veut pas pousser la diversité jusqu’à l’infini en lui-même seulement, il veut en avoir la vision intuitive en dehors de lui aussi. N’oubliant jamais qu’il porte la meilleure preuve de sa propre éternité dans sa propre corruptibilité, dans sa propre[1] triste histoire, attendant toujours une délivrance de la misère[2] qu’il sent peser sur lui, il voit volontiers surgir, en dehors de cette corruption, d’autres formes, plus jeunes, de la religion, tout à côté de lui, de tous les points, même des régions aussi qui lui apparaissaient comme les limites extrêmes et sujettes à discussion. La religion des religions n’arrive pas à assembler assez de matière pour ce qui constitue la tendance la plus particulière de son intuition la plus intime, et de même que rien n’est plus irréligieux que d’exiger l’uniformité dans l’humanité en général, rien n’est moins chrétien que de chercher l’uniformité dans la religion.

Que l’Univers[3] soit l’objet en toute manière de la contemplation intuitive et de l’adoration. Des formes innombrables de la religion sont possibles, et s’il est nécessaire [311] que chacune d’elles devienne réelle à un moment quelconque, il serait tout au moins souhaitable qu’en tout temps beaucoup pussent être pressenties. Les grands moments ne peuvent être que rares où

  1. B ajoute ici cette restriction : souvent.
  2. C adoucit en : « imperfection ».
  3. B : la Divinité.