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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/9

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PRÉFACE DU TRADUCTEUR

En mai 1799, le jeune pasteur berlinois Schleiermacher, âgé alors de 30 ans, publie des Discours sur la religion adressés, ainsi que le précise un sous-titre, « à ceux de ses contempteurs qui sont des esprits cultivés ». Ceux que l’auteur vise ainsi sont, en première ligne, quelques intellectuels de son âge avec lesquels il fraternise sur le terrain littéraire, les protagonistes du premier romantisme allemand. Il cherche à les intéresser à une religion dans laquelle ils doivent, lui semble-t-il, être disposés à communier avec lui. C’est en effet une foi si diluée, si volatilisée même, qu’elle se confond, en partie avec l’idéalisme philosophique fichtéen et schellingien issu de la critique kantienne, en partie avec la mystique esthétisante de la nouvelle école poétique.

Le pasteur et théologien Schleiermacher ne reniera jamais cette œuvre de sa doctrinairement très libre jeunesse. Revenu à un christianisme plus positif, il se contentera de corriger quelques excès de son libéralisme initial par des suppressions, des adjonctions, des remaniements, des commentaires justificatifs ou explicatifs, dans les rééditions qu’il en publiera en 1806, 1821, 1831. Ces rééditions jalonnent ainsi de rappels, progressivement assagis, de ses débuts un peu aventureux comme écrivain, la carrière toujours plus en vue de prédicateur, de professeur de théologie, d’agent d’unification et de libération des Églises, qui fera de lui un des plus influents réformateurs du christianisme protestant.

Son action a été profonde et durable en effet. Elle s’est exercée dans le sens de la spiritualisation, de l’intériorisation et de l’individualisation d’une foi chrétienne dans laquelle sacrements, dogmes, rites, institutions ecclésiastiques, assouplissent leur rigueur et leur autorité au point que, aux yeux des orthodoxes rigoureux, un protestantisme si évolué, si libéral, n’est plus ou presque plus une religion positive.

Cependant, ses interprétations, si personnelles et subjectives soient-elles, visent non à opposer mais à concilier le culte selon l’esprit et la fidélité à la lettre. Schleiermacher n’a jamais eu à rompre avec l’Église réformée. C’est au sein de cette Église, à laquelle il appartient comme pasteur