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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/99

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chair à l’esprit, de l’homme et de l’humanité à Dieu, et accompagné d’une impression de déplaisir (Foi chrétienne, §§ 66-79, I, 345-453). Il rattache alors ce fait à sa théorie générale, en constatant que notre sentiment de dépendance absolue à l’égard de Dieu peut être accompagné, soit de plaisir, soit de déplaisir : de plaisir en cas d’accord entre nous et ce dont nous dépendons, de déplaisir en cas contraire. Dans les Discours déjà, un caractère fondamental du christianisme était que la Divinité y fait preuve de bienveillance à l’égard de l’humanité déchue, et multiplie les moyens qu’elle lui offre de se relever. Maintenant, cette notion s’affirme avec plus de force et de précision.

Le fait du péché étant constaté, étant admis d’autre part que la toute puissance de Dieu est cause de tout ce qui est, il faut admettre que le péché aussi a été voulu par Dieu. Il ne peut pas l’avoir été pour lui-même, il doit l’avoir été en fonction d’autre chose. Il l’a été en effet comme conséquence de la liberté : le théologien fait sien ici un des lieux communs de la dogmatique chrétienne. Mais en voulant le mal, et le créant par là-même, Dieu a en même temps voulu, et créé par conséquent, son antidote, le salut, le salut par la grâce divine. Mal et salut, péché et grâce, sont posés comme nécessairement corrélatifs, inséparablement opposés l’un à l’autre et complémentaires l’un de l’autre, de même que Dieu et le monde.

Le plan divin comporte donc la grâce comme corollaire indispensable du péché. Par suite, ce plan n’est complètement réalisé que quand la grâce est devenue possible. Or, le moyen de la grâce, c’est le Christ. L’œuvre créatrice de Dieu, en ce qui concerne l’humanité, n’est par conséquent achevée que quand paraît le Christ. Le Christ devient ainsi l’être auquel est suspendue l’humanité véritable. Sa venue a dès lors une importance cruciale dans le plan divin comme dans l’histoire de l’humanité.

Dans les Discours, le Christ n’était que l’homme qui eut, au degré le plus élevé, l’intuition du divin. Il revêt à présent la dignité unique que lui confère le christianisme, celle de l’être envoyé par Dieu pour sauver les hommes.

Ce salut des hommes, ce n’est pas, dans le christianisme de Schleiermacher, le rachat de leur faute, la Rédemption acquise au prix du sacrifice d’un innocent, sacrifice accepté,