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Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/16

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teurs qui, endurci par son propre joug, est parvenu à mettre en servitude toute la terre connue.

Mais quant à l’Indien, la remarque de Diodore tombe complètement à faux, car, dit la loi : « Le moyen d’existence par l’agriculture est blâmé des hommes de bien, sadvigarhitâ, parce que la charrue déchire la terre et les animaux qu’elle renferme ; » toutefois comme d’autres hommes, également vertueux, l’approuvent, elle le tolère[1]. Aussi ce n’est que contraints par la nécessité que le brâhmane et le kshatriya se décident à se faire agriculteurs, à s’adonner au labourage. Nous devons y revenir.

Disons seulement encore ici que si l’agriculture est un métier honorable dans l’Inde, cela n’est vrai que dans le Dekhan, parmi les populations tamiles et télingas. Là les Vellâjas et les Jrettri sont fiers de la charrue jusqu’à en porter l’image sur leur drapeau[2]. Mais aussi les drâvidiens ne suivent pas la loi brâhmanique, mais celle du jaïnisme.

Diodore, en bon Grec qu’il était et avec les moyens d’information qu’il avait, ne pouvait évidemment pas comprendre grand’chose au régime des castes, et il finit par dire qu’il est absurde de faire des lois pour tous et instituer en même temps l’inégalité des droits : εὔηθες γὰρ εἶναι νόμους μὲν ἐπ’ ἴσης τιθέναι πᾶσι, τὰς δ’ ἐξουσίας ἀνωμάλους κατασκευάζειν[3].

Mais qui a fait ces lois ? Leur origine est dans l’enseignement des anciens philosophes : ὑπὸ τῶν ἀρχαίων παρ’ αὐτοῖς φιλοσόφων. Une telle origine, un Grec savait l’apprécier, parce qu’il la comprenait par l’histoire des législations de son pays ; mais en face, de la réalité des castes, il oubliait que ces philosophes avaient dû être de leur pays et non du sien, et il trouvait leur œuvre absurde, εὔηθες.

Maintenant quant à Pline, qui dit avoir sur l’Inde des renseignements datant du règne de l’empereur Claude et plus exacts que ceux des anciens, a priscis memorata[4], il expédie un sujet aussi important que celui des castes en quelques lignes. Ses renseignements paraissent supposer le règne du buddhisme ou du jaïnisme, car il ne donne pas les divisions dans un ordre quelconque, sauf celle des sages, dont il fait la cinquième classe, ajoutant qu’ils finissent toujours leur vie par une mort volontaire sur un bûcher[5]. Nous retrouvons là les gymnosophistes déjà mentionnés, les digambaras du jaïnisme, les çramanâs du bud-

  1. Mânav., X. 84. Cf. Yajnav. III, 35.
  2. V. Ethnogr. drâvid dans Rev. Orient. 1808, p. 119, 121.
  3. Diod., II, 39.
  4. Plinii Naturalis Historiæ lib. VI, 24, 4.
  5. Ibid., 22, 2, 3, voluntaria semper morte vitam accenso prius rogo finit. L’histoire de Calonus, rapportée tout au long par Arrien (Exp. Alexandri, VII, c. 3) d’après Onésicrite (Fragm., 10, 33) et Néarque (Fragm. 7, 37, éd. C. Müller) ne sortit pas de la mémoire des anciens. Cf. encore Charetis fragmenta, 15. Les auteurs musulmans racontent des histoires analogues. V. Reinoud, Fragments arabes et persans relat. à l’Inde, p. 53 sq. et Relation des voy. faits par les Arabes et les Persans dans l’Inde, I, 105.