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Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/25

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vatâh[1] ; mais pour le reste de l’humanité l’Indien ne connaît guère que la corporation spéciale à laquelle il appartient, et dont l’attache à l’une ou l’autre des grandes divisions castales est souvent impossible à déterminer. C’est un chaos, qu’on s’explique par le mélange des castes qu’opèrent les mésalliances, puis par les invasions répétées et par les grandes conquêtes dont aucun pays n’a été plus éprouvé que l’empire de Tièn-tchoǔ, comme les Chinois appellent l’Inde.

Tavernier continue à nommer et à décrire les castes. « La première caste, dit-il, est celle des Bramines, qui sont les successeurs des anciens brachmanes ou philosophes des Indes. Cette caste est la plus noble de toutes, parce que c’est d’entre les bramines qu’on tire les prestres et ministres de la loy. La deuxième caste est celle des Raspoutes ou Ketris, c’est-à-dire guerriers et belliqueux. Tous les rajas sont de cette caste. »

Voilà où Tavernier se trompe. Il ne faut pas identifier les Rajputs et les Kshatriyas en disant que tous les rajas (rois ou princes) sont de la caste de ces guerriers. Il y a beau temps que les Kshatriyas ont disparu et quant aux rois, dans l’Inde, comme ailleurs, c’est la fortune qui a le plus souvent décidé de la possession de l’autorité souveraine. Il y a ainsi parmi les rois de l’Inde plus de parias et de çûdras que de kshatras. Continuons.

« Mais il faut remarquer que cette deuxième caste n’est pas toute de gens qui suivent les armes, ce sont les Raspoutes seuls qui vont à la guerre et qui sont tous cavaliers ; mais pour les Ketris ils ont dégénéré du courage de leurs ancestres, et quitté les armes pour la marchandise. » Rien n’est plus exact, mais cela montre déjà qu’il ne fallait pas identifier dans la même caste les Rajputs et les Kshatras. La preuve que ces derniers n’existent plus ou qu’ils sont comme de rares débris surnageant dans l’océan de la population indienne, c’est que le recensement de 1871 a eu de la peine à les saisir. La noblesse actuelle, la classe des rajputs, s’est faite d’un mélange de sang vaiçya et de sang çûdra.

« La troisième caste, continue Tavernier, est celle des Banianes[2], qui s’adonnent tous au trafic. C’est dire assez qu’ils ne se battent point et qu’ils ne vont jamais à la guerre, ne pouvant ni boire ni manger dans les maisons des Raspoutes, parce qu’ils tuent et mangent des viandes, à la réserve de la vache dont ils ne mangent jamais. »

  1. Dubois, Mœurs, etc. des Indiens, I, 186. Cf. Thevenot, Voy. des Indes, p. 188 ; 1684. Jacquemont, Voy. dans l’Inde, I, 152. — La sentence est conforme à la loi qui dit : Avidvânç caiva vidvânç ca brâhmanân daivatam mahat. (Mân., IX, 317), instruit ou ignorant, un brâhmane est une divinité puissante. La loi, on le voit, ne s’arrête pas à distinguer sur ce point entre les védabrâhmanes et les jâtibrâhmanes, dont nous avons parlé plus haut.
  2. Ce terme de Banianes ou Banyanes, qui veut dire marchands, se trouve dans Manu et Yajnavalkya sous la forme de bânija ou vânija. Cf vanik ou banik et vânija marchand.