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Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/47

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peuple, sans une sorte de contrat synallagmatique tacite. Ce qui est certain et conforme à une remarque faite ci-dessus, c’est que (Hodgson et Schmidt le disent) aucun auteur buddhiste, quelque intérêt que le buddhisme y eût d’ailleurs, n’a jamais contesté la légitimité sociale des castes[1]. Il y a là au moins une preuve que le régime était déjà en plein exercice légal, in voller gesetzlicher Kraft, quand Çâkya vint enseigner l’égalité, la fraternité, la bienveillance universelles. Çâkya lui-même s’avouait de la caste des kskatriyas. Le régime ne devenait un objet d’observations spéciales de la part du grand rénovateur qui quand il faisait par trop obstacle à sa prédication[2]. Cela a dû arriver plus d’une fois, mais cela arriva de plus en plus fréquemment quand, après la mort du buddha, l’ordre social des castes, qui avait reposé jusque-là sur la coutume tacitement consentie, eut passé, par l’habile politique des brâhmanes, à l’état d’institution dogmatique. Il y a lieu de revenir amplement sur ce point. Pour le moment voyons à nous enquérir de l’opinion de Lassen sur le régime.

Cet indianiste distingué, qui diminue parfois son titre d’historien par l’abus qu’il fait du travail mécanique de la compilation, commence par assurer que, relativement à la question de l’origine des castes, nous pouvons accepter comme un fait que, dans les temps anciens de la société aryenne, l’institution a été inconnue aux Indiens, qu’elle est née en plein jour historique, et qu’ainsi nous sommes à même de suivre le devenir du système et son lent développement[3]. Cependant aussitôt il remarque que, sur l’origine des castes, les Indiens n’ont que des légendes, sans valeur historique. S’il en est ainsi, je me demande avec quelque inquiétude, comment nous pourrons savoir quoi que ce soit de certain sur cette origine ? Dans le Rig-Véda, continue notre auteur, la caste, la vraie et véritable caste, n’est pas nommée, et cela est vrai. Constatons toutefois que la chose s’y montre en voie de passer à l’état de fait dans certains hymnes où le mot varna s’applique d’un côté aux Dâsas et de l’autre aux Aryas[4]. Et ce qui semble plus important, Lassen ne manque pas de le relever, c’est que le Rick présente des expressions comme pânca janyâh et kshitiyah (de kshiti maison) qui prouvent que le peuple védique connaissait une division en cinq branches, famille ou clans. Or, Yâska, le commentateur du Naigamam et du

  1. J. Schmidt, Ueber einige Grundlehren des Buddhaismus, dans Mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg, 6e série, t. I, 119 ; 1832. Hodgson, Quotations from original sanscrit authorities on Buddhism, dans J. of the Asiatic soc. of. Bengal, V, 31, 1836. Sangata books treating on the subject of caste never call in question the antique fact of a fourfold division of the Hindu people.
  2. Burnouf, Introd. à l’histoire du Buddhisme, p. 138.
  3. Lassen, Indische Alterthumskunde, I, 941 sqq. ; 2e édit.
  4. V. p. ex. Rig-Veda, II, 12, 4 ; III, 34, 9 ; éd. Müll. II, 469 ; 845. Cf. Roth, Etymologisches zum Avesta, dans Zeitsch. der D. M. G. VI, 245, note 3. Ludwig, Die Nachrichten des Rig., etc., dans Abhandlungen der böhmischen Gesellschaft der Wisensch., VIII, 39.