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Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/50

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avaient été conquis et soumis ? Or, le premier peuple que les Aryas eurent à vaincre et à soumettre pour pouvoir pénétrer dans l’Inde, furent (nous le répétons) les riverains de l’Indus et de ses affluents, le peuple des Çûdras. C’est aussi sous ce nom que lesdits riverains furent connus des Perses et des Grecs. Hydraces est, en effet, le nom irânisé des Sudraces, qui, suivant Strabon, envoyèrent des auxiliaires aux Perses, et que Ptolémée et Diodore identifient, ce semble, avec les Σύδροι de l’Arachosie, du Séistan et autres lieux[1]. Selon Lassen, ce nom de Çûdra ne trouverait pas son explication en sanscrit. Nous verrons cela. Dans tous les cas, le riverain pêcheur de l’Indus, réduit en servitude, vit son nom devenir synonyme de serf, tout comme cela s’est pratiqué aussi en Grèce et à Rome relativement aux Ilotes, aux Daces, aux Syriens et à d’autres peuples vaincus. Notre mot esclave même ne serait pas autre chose que le nom d’un peuple réduit en servitude par les Germains, le nom du peuple slave. Quoi qu’il en soit, la dernière caste indienne, la quatrième, s’est constituée comme les précédentes, par nécessité sociale. Avec ces quatre castes, la société indienne était fondée pour l’éternité. Ce qui se produit encore sous le nom de caste, n’y a aucun droit légal. Ce sont des out-castes, des ramassis de gens impurs, des excommuniés, vrâtyas, que Prajapati, le maître du monde, a créés ainsi.

Mais voilà l’origine des castes, selon Lassen[2]. On ne peut nier que cette théorie ne séduise par une apparence historique. L’auteur nous montre ensuite, dans une autre partie de son vaste ouvrage, comment l’institution aboutit dans ses développements à un système qui fixe invariablement aux individus, au moment de leur naissance, la position sociale qu’ils doivent occuper toute leur vie, qui détermine aussi les actes qu’ils ont à accomplir jour par jour, on pourrait dire, heure par heure. Ce développement, savamment élaboré par les brâhmanes, puis, consacré par les codes, aurait fait contracter, par ses conséquences civiles et politiques, une telle rigidité à l’État indien qu’il n’aurait pas tardé à s’en trouver fort mal, si les nécessités de la vie réelle ne l’eussent modifié et mitigé en mille manières, et qu’il n’eût reçu ainsi une direction qui le concilie avec les droits naturels de l’homme.

Il est certain en tout cas que le manque de renseignements historiques déterminés par une chronologie acceptable en ce qui est de l’Inde anté-buddhiste, nous autorise à douter que jamais le régime des castes, tel que le fixent les codes, ait été en vigueur dans n’importe quelle partie du territoire indien. Quant à l’Inde postérieure au buddhisme, nous

  1. Strabo, Géogr. XV, 1, 6 : Πέρσας δὲ μισθοφορους ὲχ τῆς Ινδιχῆς μεταπέμψασθα : Ύδραχας. Ptolemaei Geographiæ l. VI, c. 20, 3. Cf. l. VII, 1, p. 172, éd. Ger. Mercator, 1605, Amsterd. in fol., où il est question d’une cité insulaire Χοδράχη. Diodori Siculi lib. XVII, 102 : Exinde ripæ utriusque accolas, qui Sodrœ (Σόδρας) et Massani appellantur, in fidem accipit.
  2. Lassen, Indische Alterthumskunde, I, 945 sqq. 972, 2e édit.