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INDE FRANÇAISE
L’HISTOIRE DES ORIGINES

ET DU DÉVELOPPEMENT
DES CASTES DE L’INDE[1]
par charles schoebel
Membre de la Société

PREMIÈRE PARTIE


Les anciens, jusqu’à l’expédition d’Alexandre, connurent fort peu l’Inde et longtemps après encore ils ne connurent de ce pays, qu’une partie de l’Hindoustan, entre le Gange et les monts Vindhya[2]. L’envie certes ne manqua pas au grand conquérant de pousser jusqu’au golfe de Bengale, mais ses Macédoniens, excédés de fatigue, l’empêchèrent de réaliser le projet qu’il en avait formé, et, contrairement à ce que prétend le Pseudo-Callisthène, le vaillant élève d’Aristote ne pénétra pas même jusqu’au Gange[3]. Polyen, qui écrivait dans la seconde moitié du deuxième siècle de notre ère, mérite tout aussi peu de créance quand il revendique la connaissance de l’Hindoustan déjà pour la légendaire Sémiramis, et cela sur la foi d’une inscription d’on ne sait quelle stèle[4]. Dans tous les cas, il est certain que le système social qui régit l’Inde depuis un temps immémorial ne fut pas même soupçonné par Alexandre, ni aussi par aucun de ses compagnons. Leur curiosité dut se borner, comme on le voit par les fragments d’Onésicrite, à contempler un assez grand nombre de Sannyâsis ou de Vânasprasthas dans l’exercice de leurs pénitences ou austérités. Du reste, le régime des castes n’a jamais été sévèrement pratiqué dans le Pendjâb, pays que le fils de Philippe ne dépassa pas. Les Macédoniens, quand même ils s’en seraient souciés, et on sait que les Grecs ne se souciaient de rien de barbare, ne purent donc pas connaître le régime de visu. Pour vraiment connaître le système, il a fallu de tout temps aller dans les plaines sacrées du Gange.

  1. Communication faite à la Société dans sa séance du 29 novembre 1882. Un prix de 2 000 francs a été décerné par l’Institut à ce mémoire.
  2. V. Schwanbeck, De cognitione Indiæ, qualis ante Megasthenem apud Græcos fuerit, 1816. — Cf. Burigny, dans l’Histoire de l’Académie des Inscr. et B.-L., t. XXXIV, 1770.
  3. Pseudo-Callisthenes, p. 102 ; éd. C. Müller —, coll. Didot ; Et ibi (juxta Gangem) insignem quandam conspici lapideam columnam Alexandri nomine hoc titulo sculptam : « Ego Alexander huc perveni. » Cf. Arrian. Exp. Alex. V, 25, sqq.
  4. Cette inscription disait que la belliqueuse veuve de Ninus était parvenue à fixer les limites orientales de son empire à la Jamuna : πρὸς ἕω μὲν ὥρισα ποταμὸν Ἱναμάμην. (Polyæni Strategicon lib. VIII, 26 ; p. 309, éd. Wœlfflin, 1860).