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hilation sans reste, qui est bien ce qu’en allemand on entend par wesenlosigkeit, l’état du non-moi, anâtmaka.

Cependant puisque c’est un état, il est certain que le nirvana n’est pas le néant absolu. Un axiome de Çâkyabuddlia, tel que nous le présente la légende, est qu’il n’y a ni être ni néant (1). En effet, la nature ne se prête ni à l’un ni à l’autre, d’abord parce qu’elle est toute en changements et transformations qui sont des causes et effets réciproques et successifs ; puis, parce qu’elle existe et que rien de ce qui existe ne peut se perdre. Ce sont là des vérités scientifiques. Donc, pour être annihilé dans son moi, la personne humaine n’est pas anéantie aussi quant à la racine d’où elle est sortie par des évolutions successives. Cette racine, qui est l’élément radical de la nature, subsiste, c’est le nirvânadhâtu, la chose simple et sans forme, arûpadhâtu, l’élément du monde, lokadhâtu, la substance universelle, le non-fait ou non-ajusté, akata, terme qui d’après le Dhammapadam même est l’équivalent de nirvana (2). Cela ne rappelle-t-il pas le vers du poète :

 Unus erat toto naturæ vultus in orbe ?

Le nirvana est donc la substance universelle sans forme, l’état de matière première, l’atome du monde, d’où tout procède et où tout revient. Il est ainsi la cheville ouvrière de l’univers, son équivalent comme forme, rûpadhâtu, et dans le jeu perpétuel des causes et des effets, le rouage des nidânas, toute existence passe incessamment d’un état équivalent à un autre état, jusqu’à ce qu’elle soit revenue à l’équivalence universelle et radicale, qui n’est rien, parce qu’elle est tout. Nous avons là, doctrinalement instituée par le buddhisme,

(1) Bgya tcher roi pa, XXV, p. 365.

(2) Dhammapadam, str. 383, varga XXVI. — La philosophie de Kanada désigne l’atome du monde, la substance universelle, l’infinie étendue de l’infiniment petit (anu), par le terme de parimandala. C’est le fonds de tout. (Vaiçeshika VII, t, sut. 20).