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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/103

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peuples, civilisés ou sauvages, ou occupant une situation intermédiaire, ont été gouvernés monarchiquement :

(grec)[1]
(Iliade, chant II, vers 204).

Autrement, comment serait-il possible que nous vissions partout et de tout temps des millions d’hommes — même des centaines de millions — se soumettre et obéir volontairement à un seul, parfois même à une femme, provisoirement aussi à un enfant, si l’homme ne possédait pas au fond de lui un instinct monarchique qui le pousse vers cette forme de gouvernement, comme vers celle qui lui convient le mieux ? Ceci en effet n’est pas le produit de la réflexion. Partout un homme est le roi, et sa dignité est généralement héréditaire. Il est en quelque sorte la personnification, ou le monogramme, du peuple entier, qui revêt par lui une individualité. En ce sens, il peut même dire à juste titre : « l’État, c’est moi ». C’est pour cette raison que nous voyons, dans les drames historiques de Shakespeare, les rois d’Angleterre et de France s’interpeller mutuellement par les noms de « France » et « Angleterre », et appeler « Autriche » le duc de ce pays[2] ; cela vient de ce qu’ils se regardent en quelque sorte comme l’incarnation de leurs nationalités. Tout cela est conforme à la nature humaine ; et, pour cette raison, le monarque héréditaire ne peut absolument pas séparer son bonheur ni

  1. Ce n’est pas une bonne chose que le gouvernement de plusieurs. Il faut un seul chef, un seul roi ».
  2. Le roi Jean, acte III, scène i.