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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/116

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tère national, sont peut-être surtout imputables à la longue et injuste oppression qu’ils ont subie. (De ces défauts, le plus apparent est l’absence étonnante de tout ce qu’on entend par le mot verecundia, et cette lacune sert plus dans le monde que peut-être une qualité positive). Mais, si cela excuse ces défauts, cela ne les supprime pas. J’approuve absolument le juif raisonnable qui, rejetant les vieilles fables, les bourdes et les préjugés d’antan, sort par le baptême d’une communauté où il ne trouve ni honneur ni avantage, — bien qu’exceptionnellement ce dernier, — même s’il ne prend pas très au sérieux la foi chrétienne. En est-il bien différemment de chaque jeune chrétien qui récite son Credo lors de sa confirmation ? Pour épargner toutefois au juif d’en venir là aussi, et pour en finir de la façon la plus douce possible avec cet état de choses tragi-comique, le meilleur moyen est assurément de permettre, et même de favoriser les mariages entre juifs et chrétiens ; l’Église ne pourrait rien y objecter, puisqu’ils ont pour eux l’autorité de l’apôtre lui-même (Première Épître de saint Paul aux Corinthiens, chap. vii, § 12-16). Alors, au bout de cent et quelques années, il n’y aura plus que très peu de juifs, puis, bientôt après, le spectre sera complètement conjuré, Ahasvérus enseveli, et le peuple élu ne saura pas lui-même où il est resté. Ce résultat désirable échouera toutefois, si l’on pousse si loin l’émancipation des juifs, qu’on leur accorde des droits politiques, c’est-à-dire qu’on leur permette de participer à l’administration et au gouvernement des nations chrétiennes. Car c’est seulement alors qu’ils seront et resteront juifs con amore. Qu’ils jouissent des mêmes droits civils que les autres, l’équité le réclame ;