Aller au contenu

Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La question de la réalité de la morale est celle-ci : Y a-t-il véritablement un principe fondé, opposé au principe de l’égoïsme ?

Puisque l’égoïsme limite au propre individu seul le souci du bonheur, le principe opposé devrait étendre ce souci à tous les autres individus.

La racine du méchant caractère et du bon consiste, autant que nous pouvons la suivre par la connaissance, en ce que la conception du monde extérieur et particulièrement des êtres animée, selon qu’ils sont plus semblables au propre « moi » de l’individu, est accompagnée, dans le méchant caractère, d’un constant : « Pas moi ! pas moi ! pas moi ! »

Dans le bon caractère, — nous supposons le bon caractère, comme le mauvais, développé à un haut degré, — la base fondamentale de cette conception est au contraire un : « Moi ! moi ! moi ! » constamment senti, d’où résultent bienveillance envers tous les hommes, intentions secourables à leur égard, et en même temps disposition d’âme gaie, rassurée, tranquillisée. C’est la disposition contraire qui accompagne le caractère méchant.

Mais tout ceci n’est que le phénomène, quoique saisi à la racine. Ici se présente le plus difficile de tous les problèmes : d’où vient, étant données l’identité et l’unité métaphysique de la volonté comme chose en soi, l’énorme diversité des caractères ? la méchanceté diabolique de l’un ? la bonté d’autant plus surprenante de l’autre ? Par quoi ceux-là ont-ils été Tibère, Caligula, Caracalla, Domitien, Néron ? ceux-ci, les Antonins, Titus, Adrien, Nerva, etc. D’où provient une diver-