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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/179

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ne font guère difficulté d’avouer leurs défauts et leurs faiblesses, ou de les laisser voir. Ils les considèrent comme une chose qu’ils ont payée, ou sont même d’avis que ces faiblesses leur font moins honte qu’eux-mêmes ne leur font honneur. C’est particulièrement le cas, quand ces défauts sont inséparables de leurs éminentes qualités, qu’ils en sont des conditiones sine quibus non. Comme l’a dit George Sand, « chacun a les défauts de ses vertus[1] ».

Par contre, il y a des gens de bon caractère et de tête irréprochable qui, loin d’avouer leurs rares et petites faiblesses, les cachent soigneusement, et se montrent très susceptibles à toute allusion à leur sujet. La raison en est que, tout leur mérite consistant en l’absence de défauts et d’imperfections, ils se sentent amoindris par la révélation de chaque défectuosité.

La modestie, chez les gens médiocres, est simplement de l’honnêteté ; chez les gens brillamment doués, elle est de l’hypocrisie. Aussi le sentiment avoué et la conscience non dissimulée de leur talent exceptionnel siéent-ils autant à ceux-ci que la modestie sied à ceux-là. Valère-Maxime cite à ce sujet d’intéressants exemples, sous sa rubrique : De fiducia sui[2].

  1. En français dans le texte.
  2. Valerii Maximi Dictorum Factorumque memorabilium libri IX. C’est au chap. VII du livre III que se trouvent ces exemples, qui mettent en scène les Scipions, Licinius, Crassus, Caton l’ancien, l’orateur Antoine, le poète Accius, et beaucoup d’autres, Romains et Grecs. (Le trad.)