Aller au contenu

Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose, tandis que dans toutes les autres ils n’en montrent pas beaucoup. Ainsi, bon nombre ne volent pas d’argent, mais dérobent tout ce qui peut leur procurer indirectement une satisfaction. Maint marchand trompe sans scrupules ; mais voler, c’est ce qu’il ne ferait certainement pas.

Le médecin voit l’homme dans toute sa faiblesse ; le juriste, dans toute sa méchanceté ; le théologien, dans toute sa sottise.

Il y a dans ma tête un parti d’opposition constant qui s’élève après coup contre tout ce que j’ai fait ou résolu, même à la suite de sérieuses réflexions, sans néanmoins avoir pour cela chaque fois raison. Ce parti d’opposition n’est probablement qu’une forme de l’esprit d’examen susceptible de rectification, mais il m’adresse souvent des reproches immérités. Je soupçonne que plus d’un autre est aussi dans le même cas ; quel est celui qui ne doit pas se dire, en effet :

  … Quid tam dextro pede concipis, ut te
Conatus non pæniteat, votique peracti[1] ?

Celui-là a beaucoup d’imagination, dont l’activité cérébrale intuitive est assez forte pour n’avoir pas besoin chaque fois de l’excitation des sens, en vue d’agir.

Conformément à ce principe, l’imagination est d’autant plus active que les sens nous apportent moins

  1. « Quel projet conçois-tu d’une façon si heureuse, que tu ne te repentes de ton effort et de la réussite de ton désir ? »
    ________________Juvénal, Satire X, vers 5-6.