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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/75

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Machiavel, qui semble ne s’être nullement occupé de spéculations philosophiques, est conduit, grâce à la pénétration aiguisée de son intelligence si unique, à l’affirmation suivante, vraiment profonde, qui présuppose une connaissance intuitive de l’entière nécessité avec laquelle s’affirment toutes les actions, les caractères et les motifs étant donnés. C’est le début du prologue de sa comédie Clitia : « Se nel mondo tornassino i medesimi uomini, come tornano i medesimi casi, non passarebbono mai cento anni, che noi non ci trovassimo un altra volta insieme, a fare le medesime cosa que ora ».[1].

Le fatum, l’εἱμαρμένη, des anciens, est simplement la certitude portée à la conscience que tout ce qui arrive est solidement lié à la chaîne causale, et arrive par conséquent en vertu d’une stricte nécessité ; l’avenir est donc déjà complètement fixé, déterminé sûrement et exactement, et on ne peut pas plus y changer qu’au passé. C’est seulement la prescience de celui-là qu’on est en droit de qualifier de fabuleuse dans les mythes fatalistes des anciens, si nous éliminons la possibilité de la clairvoyance magnétique et de la seconde vue. Au lieu de prétendre écarter par un bavardage inepte et par de sottes défaites la vérité fondamentale du fatalisme, on devrait chercher à la comprendre et à la reconnaître clairement, car elle est une vérité démontrable, qui nous fournit un fait important

  1. « Si les mêmes hommes revenaient au monde, comme y reviennent les mêmes événèments, il ne se passerait jamais cent ans, sans que nous ne nous retrouvions ensemble, à faire les mêmes choses qu’à présent ».
      Machiavel semble cependant s’être souvenu ici d’un passage de saint Augustin. De civitate Dei, livre XII, chap. xiii.