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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/79

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savoir, pour explorer sa route lui-même ; aussi marche-t-il volontiers sur les traces des autres. Chacun est donc d’autant plus accessible à l’influence de l’exemple, qu’il manque davantage de ces deux mérites. L’étoile conductrice de la majorité des hommes est, cependant, l’exemple d’autrui, et toute leur conduite, dans les grandes choses comme dans les petites, se réduit à la pure imitation ; ils ne font rien de leur propre initiative[1]. La cause en est leur horreur de toute espèce de réflexion et leur méfiance justifiée de leur propre jugement. En même temps, cet instinct de l’imitation si étonnamment fort chez l’homme, porte témoignage de sa parenté avec le singe. Mais le mode d’action de l’exemple est déterminé par le caractère d’un chacun ; aussi le même exemple peut-il attirer l’un et repousser l’autre. Certaines malhonnêtetés sociales, qui n’existaient pas auparavant et se glissent en tapinois peu à peu, nous permettent facilement d’observer cela. En constatant telle d’entre elles pour la première fois, quelqu’un pensera : « Fi ! comment peut-on se comporter de cette façon ? Quel égoïsme ! quelle inconsidération ! Je me garderai bien de jamais agir ainsi ». Mais vingt autres penseront : « Ah, ah ! puisqu’il fait cela, je puis le faire également ».

Sous le rapport moral, l’exemple peut, comme l’enseignement, amener une amélioration civile ou légale, mais non l’amélioration intérieure, qui est en réalité l’amélioration morale. Car il n’agit jamais que comme un motif personnel, c’est-à-dire sous la présupposition qu’on est accessible à cet ordre de motifs. Mais c’est

  1. L’imitation et l’habitude sont les moteurs de la plupart des actions des hommes.