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Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/170

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comparée nous montre comme constituant « l’unité de plan, l’uniformité de l’élément anatomique ». Les naturalistes de l’école de Schelling se sont principalement occupés de démontrer ce principe ; ils ont au moins fait de louables efforts dans ce sens, et se sont acquis par là plus d’un mérite, quoique, dans bien des cas, leur chasse aux analogies ait dégénéré en subtilité. Mais c’est avec raison qu’ils ont fait ressortir la parenté générale qui existe entre les idées de la nature inorganique, par exemple entre l’électricité et le magnétisme, dont l’identité a été constatée plus tard, entre l’attraction chimique et la pesanteur, etc. Ils ont particulièrement fait remarquer que la polarité, c’est-à-dire la division d’une force en deux activités qualitativement différentes et opposées, et qui s’efforcent de se réunir, — force qui se manifeste la plupart du temps dans l’espace par un effort issu d’un même point dans des directions opposées, — est le type fondamental de presque tous les phénomènes de la nature, depuis l’aimant et le cristal jusqu’à l’homme. En Chine, cette théorie est courante depuis les temps les plus reculés, dans le mythe de l’opposition de Yin et de Yang[1]. — Comme tous les objets du monde sont l’objectité d’une seule et même volonté, c’est-à-dire sont identiques dans leur essence, non seulement il doit y avoir une analogie incontestable entre eux, non seulement on doit découvrir dans le moins parfait la trace, l’annonce et comme le principe de ce qui est immédiatement plus parfait, mais encore, comme toutes ces formes appartiennent uniquement au monde comme représentation, on peut supposer que dans ces formes, qui sont la vraie charpente du monde visible, c’est-à-dire du monde dans l’espace et le temps, on doit pouvoir trouver le type fondamental, le vestige, le germe de tout ce qui remplit ces formes. C’est, semble-t-il, le sentiment obscur de cette vérité qui a donné naissance à la cabale, à la philosophie toute mathématique des pythagoriciens, et à celle des Chinois dans l’Y-King. De même, dans l’école de Schelling, à côté des efforts pour faire ressortir les analogies entre tous les phénomènes de la nature, nous trouvons aussi quelques tentatives, infructueuses, il est vrai, pour déduire les lois de la nature des simples catégories de l’espace et du temps. En attendant, personne ne peut savoir si quelque jour un homme de génie ne parviendra pas à réaliser les essais tentés dans cette double direction.

Si, maintenant, on a bien présente à l’esprit la différence qu’il y a entre le phénomène et la chose en soi, et par conséquent si l’identité de la volonté objectivée dans toutes les idées ne peut jamais se

  1. Yin est le principe femelle et Yang le principe mâle de la mythologie chinoise ; c’est leur action réciproque qui produit l’universalité des êtres. (Note du traducteur.)