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Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/189

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dans le conflit éternel et réciproque odes phénomènes des forces naturelles ; nous avons d’ailleurs déjà indiqué ce point. Le théâtre et l’enjeu de cette lutte, c’est la matière dont ils se disputent la possession ; c’est le temps et l’espace, qui, réunis dans la forme et la causalité, constituent à proprement parler cette matière, ainsi que nous l’avons vu dans le premier livre[1].


§ 29.


Je termine ici cette seconde grande division de mon travail ; j’espère avoir réussi, — autant du moins que cela est possible, lorsqu’on exprime pour la première fois une pensée neuve, qui par suite n’est point encore complètement débarrassée des caractères personnels à son premier auteur, — j’espère, dis-je, avoir réussi à prouver d’une manière certaine que ce monde, où nous vivons et existons, est à la fois et dans tout son être partout volonté, partout représentation ; que la représentation suppose déjà, comme telle, une forme, celle de l’objet et du sujet, et que par conséquent elle est relative ; qu’enfin, si nous nous demandons ce qui subsiste, abstraction faite de cette forme et de toutes celles qui lui sont subordonnées et qui sont exprimées par le principe de raison, ce résidu, considéré comme différent de tous points (toto genere) de la représentation, ne peut être autre que la volonté, c’est-à-dire la chose en soi proprement dite. Chacun a conscience qu’il est lui-même cette volonté, volonté constitutive de l’être intime du monde ; chacun aussi, a conscience qu’il est lui-même le sujet connaissant, dont le monde entier est la représentation ; ce monde n’a donc d’existence que par rapport à la conscience, qui est son support nécessaire. Ainsi, sous ce double rapport, chacun est lui-même le monde entier, le microcosme ; chacun trouve les deux faces du monde pleines et entières en lui. Et ce que chacun reconnaît comme sa propre essence épuise aussi l’essence du monde entier, du microcosme : ainsi, le monde est comme l’individu, partout volonté, partout représentation, et, en dehors de ces deux éléments, il ne reste aucun résidu. Nous voyons ainsi que la philosophie de Thalès qui étudie le macrocosme se confond avec celle de Socrate qui étudie le microcosme : leurs deux sujets, en effet, se trouvent réduits à l’identité. — Les théories

  1. À ce paragraphe se rapportent les chapitres XXVI et XXVII des Suppléments.