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Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/70

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de même si le syllogisme conclut négativement : la seule manière de le figurer alors est d’imaginer deux sphères dont l’une contient l’autre, exclues toutes deux d’une troisième. Lorsqu’un grand nombre de sphères s’emboîtent ainsi les unes dans les autres, on obtient les longues séries syllogistiques.

Ce schématisme des concepts a déjà été assez convenablement exposé dans plusieurs traités pour servir désormais de base à la théorie des jugements et à la syllogistique tout entière ; l’enseignement s’en trouve très simplifié et facilité. Toutes les règles, en effet, peuvent, par ce procédé, être comprises, déduites et rattachées à leur principe. Toutefois, il n’est pas nécessaire de charger la mémoire de cette foule de préceptes, car si la logique a un intérêt spéculatif pour la philosophie, elle est dépourvue d’utilité pratique. On peut dire, à la vérité, que la logique joue, à l’égard du raisonnement, le rôle de la basse continue en musique, ou, à parler moins exactement, le rôle de l’éthique par rapport à la vertu ou de l’esthétique par rapport à l’art. Il faut, d’ailleurs, reconnaître que l’étude de la science du beau n’a pas encore produit un seul artiste, pas plus que l’étude de la morale un honnête homme. Longtemps avant Rameau, ne composait-on pas de belle et bonne musique ? Il n’est pas nécessaire de posséder à fond la science de l’accompagnement pour reconnaître les dissonances ; il n’est pas besoin non plus de savoir la logique pour ne pas se laisser abuser par des paralogismes. On doit avouer pourtant que les règles de l’harmonie sont indispensables sinon à l’appréciation, au moins à la composition d’une œuvre musicale ; l’esthétique et l’éthique elle-même peuvent aussi, bien qu’à un moindre degré, avoir un intérêt pratique, d’un caractère, il est vrai, surtout négatif ; on ne doit donc pas leur dénier toute utilité. On n’en saurait dire autant de la logique. Elle n’est, en effet, que la forme abstraite d’une science que chacun possède à l’état concret. Aussi n’a-t-on guère besoin d’invoquer les règles de la logique, soit pour éviter un paralogisme, soit pour faire un raisonnement juste ; le plus grand logicien du monde les laisse complètement de côté lorsqu’il raisonne pour de bon. La cause en est facile à saisir : toute science consiste dans un système de vérités générales et, par suite, abstraites, dans un ensemble de lois et de règles relatives à une espèce déterminée d’objets. Chaque fait particulier de cet ordre qui se présente ensuite s’explique toujours par ces notions générales, dont la valeur a été reconnue une fois pour toutes ; il est beaucoup plus aisé, en effet, d’appliquer ainsi une règle commune à tous les cas, que d’en étudier un isolément pour en trouver l’origine : l’idée abstraite et générale, une fois acquise, est beaucoup plus abordable que l’étude empirique d’un phénomène particulier. Pour la logique, c’est juste le contraire. Elle est