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Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/96

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contenu est souvent incertaine : on trouverait des exemples de ces erreurs dans les preuves de bien des sciences fausses et dans les sophismes de toute espèce. — Sans doute, le syllogisme, dans sa forme, est d’une certitude absolue ; mais il n’en est pas de même pour ce qui en constitue la matière, j’entends le concept ; car les sphères de concepts ou bien ne sont pas assez exactement déterminées, ou bien rentrent de tant de façons les unes dans les autres, qu’une sphère est contenue en partie dans beaucoup d’autres, et qu’on peut ainsi passer de cette sphère à mainte autre, et ainsi de suite, suivant le bon plaisir du raisonneur, — ainsi que nous l’avons déjà montré. En d’autres termes : le terminus minor de même que le medius peuvent toujours être subordonnés à différents concepts, parmi lesquels on choisit à volonté le terminus major et le medius ; et il en résulte que la conclusion est différente, suivant le concept choisi. — Il résulte de tout ceci que l’évidence immédiate est toujours préférable à la vérité démontrée, et qu’on ne doit se décider pour celle-ci que lorsqu’il faudrait aller chercher celle-là trop loin. On doit, au contraire, l’abandonner lorsque l’évidence est tout près de nous, ou seulement plus à notre portée que la démonstration. C’est pourquoi nous avons vu qu’en logique, où, pour chaque cas particulier, la connaissance immédiate est plus à notre portée, que la déduction scientifique, nous ne dirigeons jamais notre pensée que d’après la connaissance immédiate des lois de la raison, et que nous ne nous servons pas de la logique.


§ 15.


Si maintenant, — avec la conviction que l’intuition est la source première de toute évidence, que la vérité absolue consiste uniquement dans un rapport direct ou indirect avec elle, qu’enfin le chemin le plus court est toujours le plus sûr, attendu que la médiation des concepts est exposée à bien des erreurs, — si, avec cette conviction, nous nous tournons vers les mathématiques, telles qu’elles ont été constituées par Euclide, et telles qu’elles sont restées de nos jours, nous ne pouvons nous empêcher de trouver leur méthode étrange, je dirai même absurde. Nous exigeons que toute démonstration logique se ramène à une démonstration intuitive ; les mathématiques, au contraire, se donnent une peine infinie pour détruire l’évidence intuitive, qui leur est propre, et qui d’ailleurs