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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/103

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


rôles, j’eus besoin d’un accompagnateur. Il devait être au piano pendant que je marchais par la chambre, que j’étudiais mon chant et mes gestes. Mon professeur me recommanda un jeune musicien qui sortait du séminaire. Il s’occupait spécialement de musique religieuse et il gagnait sa vie en donnant des leçons. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, excessivement timide, pas très beau, mais très bien fait, très propre, très soigné dans sa mise, ainsi que la plupart de ceux qui sortent d’un institut religieux. Il était le seul jeune homme qui fréquentât régulièrement chez nous à l’heure des leçons ; il est donc très naturel qu’une sorte de familiarité s’établit bientôt entre nous. Il m’évitait, était toujours très timide et gauche, et n’osait presque jamais me regarder. Vous connaissez mon espièglerie et mon esprit entreprenant. Je m’amusai donc à le rendre amoureux, ce qui ne me fut pas très difficile. Il n’est pas de meilleure complice que la musique, elle prépare mille occasions, et comme mon talent se montrait puissamment durant ces exercices, je remarquai très bien qu’il s’enflammait peu à peu. Je ne l’aimais pas — je ne connus ce puissant sentiment que beaucoup plus tard, — cela m’amusait d’observer quelle influence j’exerçais sur un homme encore pur, moralement et physiquement pur. Ce jeu était très cruel de ma part : comme je le reconnais maintenant, il m’est très difficile de vous raconter ce qui arriva. Après tout ce que je venais d’apprendre et d’expérimenter moi-même, j’étais très curieuse d’en savoir plus long. Je me