coup plus heureuse qu’elle. Moi j’avais un jeune
homme joli et robuste, elle n’avait eu que Marguerite.
Je pouvais voir l’influence de mon abandon. Il
était admirable, surtout au moment du plus fort
ravissement, quand mon âme rêvait, voluptueuse, et
qu’il ne se séparait point de moi, mais au contraire
m’aimait plus fortement, comme s’il eût voulu absorber
toute ma vie. Cette espèce de jouissance a toujours
eu un attrait extraordinaire pour moi. Cela tient à la
passivité complète de la femme qui reçoit les caresses
de l’homme et à l’hommage extraordinaire qui est
ainsi rendu à ses charmes ; d’ailleurs elle est très
rare, et surtout quand l’homme a le droit d’exiger
davantage. Rien que dans le contact extérieur de la
bouche, dans un simple baiser, son effet est plus
qu’enivrant ; mais si la bouche connaît en outre son
devoir ou l’a appris par le tressaillement des parties
caressées, je ne sais vraiment si je ne dois pas préférer
cette jouissance à toute autre. D’ailleurs elle
dure plus longtemps et ne vous rassasie pas. Ce qui
va suivre m’est encore plus difficile à avouer que tout
ce qui a précédé. Aussi je renonce au beau droit de la
femme de se faire toujours un peu violenter. La vérité
est entre nous, et ce que je n’aurais pas le courage de
vous dire oralement doit néanmoins être dit. Il est
tout naturel qu’après tant d’amabilité et de complaisance
de la part de Franz, la réciprocité eût lieu.
Il y avait longtemps que je désirais faire tout ce que
j’avais vu ma mère accomplir dans ce jour inoubliable
où elle provoqua mon père à des jouissances répé-
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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE