Au moment de commencer une brillante carrière,
devais-je être liée à un homme sans importance et
que je dominais à tous les points de vue ? Le quitter
en mauvais termes était dangereux. J’étais exposée à
son indiscrétion. Il s’agissait d’être très habile, et je
réussis à dénouer notre liaison avec tant d’à-propos
que Franz croit encore aujourd’hui que si le hasard
ne nous avait pas séparés, je l’aurais sûrement épousé.
Ce hasard était mon œuvre. Je fis comprendre à mon
professeur que son accompagnateur me poursuivait
de ses déclarations et que j’étais prête à briser le
cours de ma carrière d’artiste pour me contenter
« d’une maisonnette et d’un cœur ». Mon professeur,
qui était très fier de m’avoir formée et qui se promettait
beaucoup de mon début, se fâcha. Je le suppliai
de ne pas rendre Franz malheureux, que
cela me ferait beaucoup pleurer et que ma voix en
souffrirait. Ainsi j’atteignis mon but et Franz reçut
un engagement à l’orchestre du théâtre de Budapest.
Nous prîmes tendrement congé : j’avais brisé nos
relations sans avoir rien à craindre.
Peu de temps après notre séparation, je débutai au théâtre de la Porte Kaertner. Vous savez avec quel succès. J’étais plus qu’heureuse. Tout le monde m’entourait, m’assiégeait. Les applaudissements, l’argent et la célébrité. Je ne manquais pas de courtisans, d’admirateurs et d’enthousiastes. L’un pensait atteindre son but avec des poésies, l’autre avec des présents précieux. Mais j’avais déjà remarqué qu’une artiste n’ose céder à sa vanité ou à ses sentiments