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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/226

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


gnets, et l’une se mit à le battre, tandis que l’autre lui offrait tantôt sa main à baiser, tantôt son pied. Les coups tombaient toutes les minutes ; au troisième, je vis des gouttes de sang perler sur la peau. Au dixième, ses potences (car je ne puis appeler autrement ses épaules maigres séparées par un torse encore plus maigre) étaient meurtries et ne formaient qu’une blessure informe et saignante comme un morceau de viande d’un animal. Il suppliait pourtant la fille qui le maltraitait si rudement de battre encore plus fort, et il sentait et baisait les mains de l’autre. Parfois j’entendais un coup de trompette ou le soupir d’un hautbois qui provenait du rire de la fille que ce vieux satyre flairait. Il semblait aspirer le parfum de ses mains.

— Ça n’ira pas ainsi, soupira-t-il enfin. Mais tu me gifleras et je serai content tout de suite. Louise, aurai-je une ou deux gifles aujourd’hui ? N’est-ce pas, deux, deux gifles, ma chère Louise !

Il se coucha sur le dos et la fille dont il avait flairé les mains s’assit près de lui et le gifla à tour de bras. L’autre riait à se tordre en voyant les mines que faisait l’horrible vieillard. J’entendis les bruits de hautbois du rire des filles et je vis, ce qu’il désirait, les gifles tomber dru sur son visage ; il grinçait des dents et se mordait les lèvres avec ardeur. Cette sotte opération lui faisait le plus grand plaisir, que l’on prolongeait aisément en le giflant selon son désir.