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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/233

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


d’une femme qui les a fait longtemps languir ; quand elle a enfin cédé, ils lui sont infidèles et la quittent.

— Et ces malheureuses jeunes filles qui abandonnent leur cœur à la première attaque de l’homme, méritent-elles aussi que l’homme se venge ?

— Je ne me suis vengé que des coquettes. Je ne voudrais jamais séduire une jeune fille innocente. Je ne l’ai jamais fait, et pourtant j’en ai eu. Chacune d’elles s’est offerte d’elle-même, sans que je la priasse jamais de me sacrifier sa virginité. Chacune d’elles était lasse d’attendre et connaissait son sort. Elles étaient libres de choisir. Elles se disaient : dois-je préférer celui qui me poursuit et qui ne me plaît pas à celui qui me laisse entendre que je lui plais sans rien m’en dire ? Et leur choix tombait sur moi. Elles se libéraient des scrupules ridicules que des mères et des tantes et d’autres personnes fatiguées et prudes leur avaient appris dès l’enfance. Elles jouaient à jeu ouvert. Et aucune ne l’a regretté. Chacune savait les risques qu’elle courait ; je disais à chacune qu’elle pouvait devenir mère, que je ne l’épouserais point, que j’aimais d’autres femmes et qu’elle ne me reverrait peut-être jamais plus. Dites-moi, n’ai-je pas agi en honnête homme ?

Je ne pouvais pas le nier, mais je lui dis que je ne pourrais jamais faire une déclaration d’amour à un homme.

— Alors vous n’aimerez jamais un homme, me dit-il. Car l’amour de la femme est tout de sacrifice. Et je ne donnerai jamais la plus éphémère faveur à