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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/242

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE

— Tu ne vas pas recommencer ? lui dis-je, l’étouffant de baisers.

— Et pourquoi pas ? dit-il en souriant, puis voyant que je ne voulais pas : « Mais je voudrais fermer la porte. Enlève ton masque pour que je lise la gaîté dans tes traits. Pourrais-tu me le refuser ? »

Il n’était pas le despote, le tyran que j’avais cru. Il était aussi doux, aussi caressant qu’un berger. Je fermai la porte, je poussai les verrous et je me jetai sur le lit. Je me reposai avec un plaisir indicible, car le bruit, la musique, les tourbillons des danseurs et danseuses m’avaient beaucoup fatiguée. Cette fois personne ne nous dérangeait ; je ne voyais que lui, et lui que moi.

Suis-je capable de vous dire ce que je ressentis ? Non. Qu’il vous suffise d’apprendre que nous nous dîmes de vrais mots d’amour. Je ne puis vous dire ma joie de l’avoir pour moi toute seule. Quand il m’embrassait, ses yeux devenaient fixes et prenaient une expression sauvage de volupté ; mes yeux se troublaient aussi et nous retombions, ivres d’amour, poitrine à poitrine, en murmurant les paroles les plus folles, les plus dénuées de sens. À la fin, il s’était mis sur le côté ; j’étais presque endormie, il disait toujours des paroles d’amour, nos yeux étaient fermés et nous restâmes une bonne demi-heure ensommeillés dans cette extase. Les cris qui venaient de la salle nous réveillèrent. Je réparai mon désordre à la hâte et il m’attacha lui-même mon masque, que j’avais oublié dans ma fièvre. Ferry prit son domino et nous