portes, côte à côte. Les deux lieux étaient séparés
par des planches, dont quelques-unes étaient très largement
fendues. Je voulais justement sortir, quand
j’entendis que quelqu’un s’approchait. On entra dans
le cabinet d’à côté. On verrouilla la porte. Je ne voulais
pas sortir avant que mon voisin s’éloignât. Par
curiosité et sans mauvaise pensée, je regardai par
une fente. Je vis mon cousin. Il s’occupait de toute
autre chose que je croyais. Il s’était assis les jambes
allongées et tâchait de réveiller sa léthargie avec
beaucoup de feu, et je vis que l’opération prenait
bientôt une excellente tournure. Ainsi que mon corps
ne pouvait pas être comparé à celui de ma mère,
celui de mon cousin ne pouvait l’être avec le corps de
mon père. Il s’occupait avec beaucoup de constance.
Ses yeux si froids s’animèrent peu à peu. Je le vis
frissonner, crisper ses lèvres et tout à coup le résultat
de tant d’efforts apparut, résultat encore énigmatique
pour moi. Je regardai par terre pour me rendre
bien compte du but qu’avait poursuivi la main, maintenant
immobile et fatiguée. Ce spectacle m’expliquait
bien des choses, particulièrement tout ce que
mes parents avaient dit, et je savais ce que Marguerite
avait remplacé artificiellement. Tout cela me
répugna outre mesure. Pourtant, durant ce spectacle,
une nervosité grandissante s’était mêlée à ma
curiosité. Mais maintenant, en voyant la prostration
et l’abattement de ce jeune homme, son péché secret
me dégoûtait. Ses yeux étaient fixes et troubles. Mes
père et mère étaient beaux, quand ils criaient « Je
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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE