étonnée de voir qu’elle avait une liaison avec mon
cousin. Je lui en fis la remarque, et elle fut fort gênée.
Je lui avais raconté ce que j’avais alors vu, et elle
avait été tentée par le désir de le défaire de cette mauvaise
habitude, nuisible à sa santé. Elle m’avoua que
mon histoire avait excité son imagination et qu’elle
avait trouvé l’occasion de vaincre son horreur des
femmes. Elle faisait semblant d’avoir honte de l’avoir
séduit. Mon cousin était de dix ans plus jeune qu’elle ;
mais elle me certifia qu’elle ne lui accordait pas plus
qu’à moi-même. Un enfant qui s’est brûlé a peur du
feu, elle ne voulait plus de la faiblesse qu’elle avait eu
pour son Charles bien-aimé. Je n’ai jamais pu savoir
si elle m’avait dit la vérité. Je remarquais avec plaisir
que mon cousin avait bien meilleure mine, qu’il
n’évitait plus les filles et qu’il me regardait parfois
avec des yeux bien singuliers. Je n’avait nullement
envie d’être l’aide de Marguerite et je me contentais
de le chicaner. Si je ne l’avais pas surpris alors, je
crois bien que j’aurais eu des relations bien douces
avec mon cousin, car nous avions l’occasion de nous
voir sans gêne, ce qui est une des conditions essentielles
des jeux d’amour. J’avais aussi une crainte
terrible des suites funestes. Marguerite m’avait parlé
de tout, aussi je fis mes premiers pas dans le monde
bien armée et beaucoup plus intelligente que la plupart
des jeunes filles. Cela m’a toujours été très avantageux.
Je savais exactement de quoi il s’agissait et
ce que j’y risquais. On me croyais froide et vertueuse
alors que j’étais tout simplement initiée et prudente.
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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE