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IVANHOÉ.

Front-de-Bœuf allait répondre, mais la pétulance et l’étourderie du prince Jean le devancèrent.

— Assurément, messeigneurs, dit-il, le noble Cédric dit vrai, et sa race peut prétendre à la préséance sur la nôtre, autant par la longueur de sa lignée que par celle de son manteau.

— Ils vont devant nous, à la vérité, dans les champs de bataille, comme les daims devant les chiens, dit Malvoisin.

— Et ils ont bien le droit d’aller devant nous, dit le prieur Aymer ; n’oubliez pas la décence et la distinction supérieures de leurs manières.

— Leur sobriété et leur tempérance remarquable, dit de Bracy oubliant le projet qui lui promettait une fiancée saxonne.

— Non plus que le courage et la conduite, ajouta Brian de Bois-Guilbert, par lesquels ils se sont illustrés à Hastings et ailleurs.

Tandis que les courtisans, tour à tour, avec un visage calme et souriant, suivaient l’exemple de leur prince, en lançant un trait de ridicule contre Cédric, la figure du Saxon s’enflammait de courroux, et il dardait des regards fiers de l’un à l’autre, comme si la prompte succession de tant d’injures l’eût empêché de répondre à l’une après l’autre ; ou comme un taureau aux abois qui, entouré de ses tourmenteurs, ne sait lequel choisir pour l’objet immédiat de sa vengeance. À la fin, il parla d’une voix à moitié étouffée par la colère, et, s’adressant au prince Jean comme l’audacieux instigateur de l’offense qu’il venait de recevoir :

— Quels qu’aient été, dit-il, les folies et les vices de notre race, un Saxon eût été regardé comme un nidering[1], terme le plus emphatique de la bassesse la plus abjecte, si,

  1. Il n’y avait rien parmi les Saxons de si ignominieux que de s’attirer cette épithète injurieuse. Guillaume le Conquérant, si haï qu’il fût de ce peuple, continua à rallier des forces nombreuses