Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
IVANHOÉ.

cupide, l’avarice était le vice prédominant, et il aimait mieux braver l’Église et les prêtres, que d’acheter de leurs mains le pardon et l’absolution au prix de ses richesses et de ses manoirs.

Le templier, qui était un impie d’une autre trempe, n’avait pas caractérisé avec justesse son associé, en disant que Front-de-Bœuf n’aurait pu assigner aucune cause à son incrédulité et à son mépris pour la foi générale ; car le baron aurait allégué que l’Église vendait ses indulgences trop cher, et que la liberté spirituelle qu’elle mettait en vente ne pouvait être achetée que, comme celle du commandant en chef de Jérusalem, avec une forte somme ; et Front-de-Bœuf aimait mieux contester la vertu du remède que de payer les frais du médecin.

Mais le moment était arrivé où la terre et tous ses trésors allaient s’évanouir devant ses yeux, et où le cœur de granit du sauvage baron allait enfin connaître l’épouvante, alors que ses regards plongeaient sur le sombre abîme de la vie future. La fièvre qui brûlait son sang ajoutait à l’impatience et à l’agonie de son esprit, et son lit de mort offrait le spectacle d’une lutte horrible entre les sensations de terreur qui s’éveillaient pour la première fois en lui et des passions invétérées qui cherchaient encore à les écarter.

C’était un marasme horrible auquel on ne pourrait trouver d’équivalent que dans ces régions affreuses où l’on rencontre les plaintes sans espérance, les remords sans repentir, le sentiment redoutable d’une douleur présente, et une certitude que cette agonie n’aura ni fin, ni soulagement.

— Où sont ces chiens de prêtres maintenant, hurla le baron, qui ont estimé si haut leurs momeries spirituelles ? Où sont ces carmes déchaussés pour lesquels le vieux Front-de-Bœuf a fondé le couvent de Sainte-Anne, dépouillant son héritier de maints bons arpents de prairies et de maints champs et closeries ? Où sont-ils maintenant, ces chiens avides ? Ils se vautrent dans l’ale, j’en suis sûr, ou grimacent leurs jongleries au chevet du lit de quelque paysan