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— Non, répondit Rébecca, dont la voix et les traits conservaient la même expression mélancolique, cela ne peut pas être ; je ne puis pas changer la foi de mes pères comme un vêtement qui ne convient plus au climat sous lequel je cherche une nouvelle demeure ; non, je ne serai pas malheureuse, noble dame ; celui à qui je consacrerai ma vie sera mon consolateur, si j’accomplis sa volonté.

— Vous avez donc des couvents, et vous voulez vous y retirer ? demanda Rowena.

— Non, noble dame, dit la juive ; mais, parmi notre peuple, depuis le temps d’Abraham jusqu’à nos jours, il y a eu des femmes qui vont voué leurs pensées au Ciel et leurs actions aux œuvres de charité, soignant les malades, nourrissant les pauvres et soulageant les malheureux. C’est parmi elles que l’on comptera Rébecca. Dites cela à votre noble époux, s’il lui arrive de s’informer du destin de celle dont il a sauvé la vie.

Il y avait un tremblement involontaire dans la voix de cette noble femme et une expression de tendresse dans son accent qui peut-être eût trahi ce qu’elle ne voulait pas exprimer. Elle se hâta de prendre congé de Rowena.

— Adieu, lui dit-elle. Puisse le père commun des juifs et des chrétiens répandre sur vous ses bontés les plus douces ! Le vaisseau qui doit nous transporter sera sous voile avant que nous ayons gagné le port.

Elle sortit de la chambre, laissant Rowena interdite comme si une apparition avait passé devant elle. La belle Saxonne rendit compte à son époux de cette étrange conférence, et elle fit sur l’esprit d’Ivanhoé une profonde impression. Il vécut longtemps et heureux auprès de Rowena, car ils étaient attachés l’un à l’autre par les liens d’une affection d’enfance, et ils s’aimaient d’autant plus qu’ils se rappelaient les obstacles qui avaient retardé leur union.

Cependant ce serait porter la curiosité trop loin que de demander si le souvenir de la beauté et de la grandeur d’âme de Rébecca ne revenaient pas à l’esprit d’Ivanhoé