Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/62

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— Mais il ne me plaît pas, mauvais drôle, dit Cédric, qu’on me laisse deux heures en suspens, et que je me creuse la tête à inventer des vengeances contre mes voisins pour des méfaits qu’ils n’ont pas commis ! Je te le dis, je te préviens que, à la première faute de ce genre, je te punirai de la prison et des fers.

Gurth, qui connaissait le caractère irascible de son maître, n’essaya pas même de se disculper ; mais le bouffon, qui savait qu’en vertu de ses privilèges de fou il pouvait se prévaloir de la tolérance de Cédric, répondit d’un ton doux :

— En vérité, oncle Cédric, vous n’êtes ni sage ni raisonnable, ce soir.

— Prenez garde ! dit son maître ; si vous accordez tant de licences à votre langue, on vous enverra à la loge du gardien, qui vous donnera les étrivières.

— D’abord, je voudrais que votre sagesse m’apprît, dit Wamba, s’il est juste et raisonnable qu’une personne soit punie pour la faute d’un autre.

— Non, certes, bouffon, répondit Cédric.

— Alors, pourquoi voulez-vous mettre ce pauvre garçon aux fers, mon oncle, pour la faute de son chien Fangs ? Car je puis jurer que nous n’avons pas perdu une minute en route, après avoir réuni notre troupeau, ce que Fangs n’avait pas encore accompli au moment où nous entendîmes la cloche des vêpres.

— Alors, que Fangs soit pendu, dit Cédric en se tournant brusquement vers le porcher, si c’est sa faute, et toi, cherche un autre chien !

— Permettez, mon oncle ! dit le bouffon, ce serait passer à côté de la justice ; car ce n’est pas la faute de Fangs s’il est boiteux et s’il n’a pu rassembler le troupeau, mais bien la faute de ceux qui lui ont coupé les griffes des pattes de devant, opération à laquelle, à coup sûr, si on l’eût consultée, la pauvre bête n’eût certes pas donné sa voix.

— Qui donc a osé estropier un animal appartenant à mon serf ? s’écria le Saxon enflammé de colère.