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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/121

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

un regard passionné du côté de miss Bellenden, et la tradition rapporte que les yeux du jeune tireur vert prirent la même direction.

Le résultat de cette dernière épreuve fut le même que celui de la précédente, et lord Evandale ne continua que difficilement d’affecter cet air d’indifférence moqueuse qu’il avait pris jusqu’alors ; mais, voulant éviter le ridicule, il rendit le coursier à son heureux adversaire, et reprit le sien. — Je vous remercie, lui dit-il, d’avoir rétabli mon cheval dans ma bonne opinion. J’étais disposé à lui attribuer ma défaite ; je vois à présent que je ne dois en accuser que moi-même. Il se remit en selle et s’éloigna.

Suivant l’usage ordinaire du monde, ceux mêmes qui penchaient pour lord Evandale accordèrent au vainqueur leurs applaudissements, et toute l’attention de l’assemblée se dirigea vers lui. — Qui est-il ? quel est son nom ? s’écriaient de toutes parts ceux qui ne le connaissaient pas. — On ne tarda pas à l’apprendre, et dès qu’on sut qu’il appartenait à cette classe à qui l’on peut marquer des égards sans déroger, quatre amis du duc vinrent l’inviter à se présenter devant lui. Comme ils le conduisaient à travers la foule, en l’accablant de compliments sur son triomphe, il passa devant lady Bellenden : ses joues prirent un incarnat plus vif lorsqu’il salua miss Édith, dont le visage se couvrit d’une semblable rougeur.

— Vous connaissez donc ce jeune homme ? demanda lady Marguerite à sa petite-fille.

— Je… oui… je l’ai vu chez mon oncle, et… ailleurs aussi…

— J’entends dire que c’est le neveu du vieux Milnwood.

— Oui, dit un gentilhomme, c’est le fils de feu le colonel Morton de Milnwood, qui commandait pour le roi un régiment de cavalerie à la bataille de Dunbar et à Inverkeithing.

— Mais auparavant il avait combattu contre lui à celles de Marston-Moor et de Philiphaug, répliqua lady Bellenden, car ce dernier mot réveillait en elle le douloureux souvenir de la mort de son époux.

— Votre mémoire est fidèle ; mais le mieux est d’oublier le passé.

— Il ne devrait pas l’oublier, lui, sir Gilbertscleugh, et ne pas venir se mêler à la société de personnes auxquelles son nom peut rappeler de fâcheux souvenirs.

— Vous oubliez, Milady, que ce jeune homme est ici parce que son devoir l’y appelle, et qu’il fait partie du contingent que doit fournir son oncle. Je désirerais que tous les contingents fussent composés de jeunes gens tels que lui.

— Et son oncle est sans doute une tête ronde, comme son père.

— C’est un vieil avare dont les opinions politiques changeraient