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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/123

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CHAPITRE IV

— Précédant les bannières,
Aux foires il jouait devant les militaires,
Et nettoyait gaîment leur appareil guerrier :
Des armes comme alors étincelait l’acier !
Qui pourra désormais jouer au lieu d’Habbie
En tête de la compagnie ?

Élégie d’Habby Sympson.

En tête de la cavalcade marchait Niel, le joueur de cornemuse de la ville, monté sur un bidet blanc, armé de l’épée et de la dague écossaise, et dont l’instrument était garni d’autant de rubans qu’il en faudrait pour parer six beautés de village un jour de foire ou de prêche. Niel, garçon bien fait de corps, la taille droite et raide, muni de bons poumons, avait obtenu par son mérite le poste officiel de joueur de cornemuse, et les émoluments y attachés, savoir : un champ d’une acre d’étendue ; cinq marcs d’argent, un habit neuf à la livrée de la ville, chaque année ; l’espoir d’obtenir un dollar à l’élection des magistrats, si le prévôt avait la volonté et le pouvoir de lui accorder une telle gratification ; et le privilège d’aller donner une sérénade, au retour du printemps, à la porte de toutes les maisons respectables de la banlieue, pour réjouir le cœur des autres par sa musique, réconforter le sien avec leur ale et leur brandevin, et demander à chacun une rétribution en blé.

Indépendamment de ces avantages, Niel sut, par ses qualités personnelles ou son talent musical, obtenir la main d’une veuve, fraîche encore, qui tenait le principal cabaret de l’endroit. Le premier mari ayant été un presbytérien si rigide que les gens de la secte l’appelaient Graïus le publicain, ses ardents coreligionnaires étaient scandalisés qu’elle lui donnât pour successeur un homme de la profession de Niel ; mais comme la bière de la taverne conserva sa réputation sans égale, les anciennes pratiques continuèrent généralement à lui accorder la préférence. Le caractère du nouvel hôte était d’ailleurs on ne peut plus accommodant, et il avait soin de tenir le gouvernail de sa petite barque de telle manière qu’elle pût résister aux flots de toutes les factions. Niel était toujours de bonne humeur, s’inquiétant fort peu des querelles qui divisaient l’église et le gouvernement. Mais le lecteur connaîtra mieux son