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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/170

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

tement ; moi, je m’envelopperai dans le manteau gris de M. Morton, et dans une demi-heure j’appellerai Holliday, et lui dirai de me laisser sortir.

— De vous laisser sortir ! s’écria Morton : savez-vous bien que votre vie répondrait de mon évasion ?

— Ne craignez rien : pour son propre intérêt, il ne voudra pas avouer qu’il avait permis à quelqu’un d’entrer, et il cherchera quelque autre excuse pour rendre compte de votre fuite.

— Oui, par Dieu ! dit le dragon en ouvrant la porte ; mais si je suis aveugle, je ne suis pas sourd ; et pour faire réussir votre plan il ne fallait pas parler si haut. Allons, allons, miss Jenny, et vous aussi, madame la cousine : je ne veux pas savoir votre véritable nom, quoique vous fussiez sur le point de me jouer un méchant tour. En avant, marche ; il faut battre en retraite, ou j’appelle la garde.

— J’espère, mon cher ami, lui dit Morton d’un ton d’inquiétude, que vous ne parlerez pas de ce projet, et je vous donne ma parole d’honneur que, de mon côté, je garderai le secret sur la complaisance que vous avez eue de permettre à ces dames d’entrer ici. Si vous nous avez entendus, vous avez dû remarquer que je n’ai pas accepté la proposition de cette bonne fille.

— Oui, diablement bonne, sans doute ! Je n’aime pas plus qu’un autre à bavarder ni à faire des rapports ; mais cette petite diablesse de Jenny mériterait bien quelque correction pour avoir voulu mettre dans la nasse un pauvre diable.

Jenny eut recours à la défense ordinaire de son sexe : mettant son mouchoir sur ses yeux, elle pleura ou feignit de pleurer, et cette ruse de guerre produisit son effet accoutumé. — Allons, dit Holliday d’un ton radouci, si vous avez quelque chose à vous dire, que ce soit fait en deux minutes. L’ivrogne de Bothwell n’aurait qu’à se mettre en tête de faire sa ronde une demi-heure plus tôt que de coutume, nous aurions une vilaine affaire sur les bras.

— Édith, dit Morton en affectant une fermeté qui était bien loin de son cœur, ne restez pas plus longtemps ; abandonnez-moi à ma destinée. Je puis tout endurer, puisque j’ai eu le bonheur de vous voir ; ne courez pas le risque d’être découverte.

En parlant ainsi, il la conduisit vers la porte, et elle sortit appuyée sur sa fidèle Jenny, sans avoir la force de répondre.

— Chacun son goût, dit Holliday en tournant la clef : le diable m’emporte si je voudrais affliger une si jolie fille.

Lorsqu’elle fut rentrée dans son appartement, miss Bellenden s’abandonna à toute sa douleur, et Jenny chercha à lui inspirer quelques motifs d’espérance et de consolation. — Ne vous affligez