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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/199

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Dispersez-les, mais ne tuez personne.

— Et vous, Cuddy, n’avez-vous fait aucune résistance ? dit Morton.

— Non, en vérité. Je me tenais devant ma vieille mère et criais merci ! Mais deux Habits-Rouges survinrent, et l’un d’eux allait frapper la pauvre femme du plat de son sabre ; alors je leur montrai mon bâton et les menaçai de les bien recevoir. Les Habits-Rouges me frappèrent, et j’avais bien de la peine à parer ma tête avec ma main, quand arriva lord Evandale ; je criai que nous servions à Tillietudlem. Il me dit de jeter mon bâton ; et ma mère et moi nous nous rendîmes prisonniers. Nous aurions peut-être pu nous sauver, mais ce malheureux Kettledrummle fut aussi arrêté. Eh bien, quand ma mère et lui furent ensemble, ils se mirent à provoquer les soldats. Aussi le four fut bientôt rallumé. On nous emmena tous les trois pour faire un exemple.

— Infâme et intolérable persécution ! dit Morton se parlant à lui-même ; voici un pauvre garçon paisible que l’amour filial seul a conduit dans le conventicule, enchaîné comme un brigand et un meurtrier. Il mourra du supplice destiné aux scélérats. Souffrir une telle tyrannie, c’en est assez pour faire bouillir le sang dans les veines de l’esclave le plus timide.

— Certainement, répliqua Cuddy. Je ne puis dire que je trouve cela très bien. Et le pire, c’est que ces damnés Habits-Rouges viennent nous souffler nos maîtresses. J’ai encore le cœur malade en voyant ce damné dragon, Tom Holliday, embrasser Jenny Dennison à ma barbe ! Qui croirait qu’une femme ait l’impudence de faire de pareilles choses ! Mais elles n’ont des yeux que pour les Habits-Rouges. J’ai quelquefois eu envie de me faire dragon moi-même, dans l’espoir que je plairais davantage à Jenny. Cependant, je ne puis trop la blâmer ; car enfin, ç’est pour moi qu’elle laissait Tom chiffonner ainsi sa coiffure.

— Pour vous ? s’écria Morton qui ne pouvait s’empêcher de prendre quelque intérêt à une histoire qui avait un si singulier rapport avec la sienne.

— Sans doute : la pauvre fille, en filant doux avec ce coquin, voulait obtenir la permission d’approcher de moi, pour me glisser quelques pièces d’argent.

— Et avez-vous accepté, Cuddy ?

— Non, en conscience, j’ai été assez sot pour les lui remettre dans la main. Je ne pouvais me résoudre à lui avoir de l’obligation après qu’elle s’était laissé embrasser. Mais j’ai eu tort ; cet argent m’aurait bien servi pour ma mère et pour moi.