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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/296

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

l’apparition d’Habacuc Mucklewrath. On ne sait si Habacuc céda aux instigations des caméroniens ; ce qui est certain, c’est qu’il saisit l’occasion de haranguer un si respectable auditoire. Il accusa d’hérésie les modérés, engageant les fidèles puritains à séparer leur cause de la leur, de crainte de se souiller en combattant dans les mêmes rangs ; appliquant à Morton les paroles de l’Écriture, il appela sur lui et les siens la colère et la vengeance du ciel.

« Prenez cet Henry Morton, cet impie Achaz, qui a amené la malédiction parmi vous, et qui s’est fait des frères sous la tente de l’étranger ; prenez-le, lapidez-le, brûlez-le ensuite, afin que la colère céleste s’éloigne des enfants de la sainte ligue. »

Une telle attaque, dirigée si inopinément contre un des principaux chefs de l’armée, excita un grand tumulte. Les caméroniens s’écrièrent que ceux qui n’étaient pas pour eux étaient contre eux ; qu’un homme tiède dans leur cause ne valait pas mieux qu’un prélatiste, un anticovenantaire, qu’il fallait procéder tout de suite à une nouvelle nomination d’officiers. Les modérés, à leur tour, accusaient leurs fanatiques adversaires de nuire au succès de la cause commune par un zèle outré et des prétentions ridicules. Poundtext et quelques autres faisaient de vains efforts pour calmer les esprits et prévenir une funeste division. Ils ne pouvaient se faire entendre, et ce fut inutilement que Burley lui-même éleva la voix pour rétablir l’ordre et la discipline. L’esprit d’Habacuc semblait s’être emparé de tous ses auditeurs : ils ne songeaient plus qu’à leurs querelles intestines, et oubliaient qu’un ennemi formidable était sur le point de les attaquer. Les plus prudents ou les plus timides se retiraient déjà, et abandonnaient une cause qu’ils regardaient comme perdue ; les autres se choisissaient de nouveaux officiers.

Ce fut en ce moment de confusion que Morton arriva, et sa présence excita des applaudissements d’un côté, des imprécations de l’autre. Apercevant Burley :

— Que signifie un tel désordre ? lui dit-il.

— Il signifie que Dieu a résolu de nous livrer entre les mains de nos ennemis.

— Non, s’écria Henry, ce n’est pas Dieu qui nous abandonne, c’est nous qui abandonnons Dieu, qui nous déshonorons en trahissant la cause de la liberté ; — et, s’élançant sur les tréteaux qui avaient servi de chaire : — Écoutez-moi, s’écria-t-il. L’ennemi vous offre la paix ; mais il exige que vous mettiez bas les armes : préférez-vous vous défendre ? Vous pouvez encore faire une honorable résistance ; mais le temps presse, il faut vous décider. Qu’il ne soit pas dit que six mille Écossais n’ont su avoir ni le courage de