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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/323

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

des gens à votre place n’auraient pas été fâchés de se trouver débarrassés d’un homme qui leur barrait le chemin.

Il serra de nouveau la main à Morton, et le quitta comme il allait descendre dans la chaloupe.

À peine Claverhouse avait-il disparu, que Morton sentit qu’on lui glissait dans la main un papier. Il se retourna ; la personne qui le lui avait remis était enveloppée d’un grand manteau qui ne permettait pas de distinguer ses traits : elle posa un doigt sur sa bouche, et se perdit dans la foule.

Cet incident éveilla la curiosité de Morton. Lorsqu’il fut monté à bord d’un vaisseau faisant voile pour Rotterdam, il lut :

« Le courage que tu as montré dans la fatale journée où Israël a fui devant ses ennemis a en quelque manière expié les erreurs de ton érastianisme. Je sais que ton cœur est avec la fille de l’étranger. Oublie-la, car de loin, de près, en exil, jusqu’à la mort, ma main sera levée contre sa maison. C’est la longue résistance du château qui a été la principale cause de notre défaite. N’y pense donc plus, et réunis-toi à nos frères exilés. Tu en trouveras en Hollande qui attendent toujours l’heure de la délivrance. Quand elle aura sonné, tu sauras toujours où me trouver. En attendant, sois patient : garde ton épée à ta ceinture. — La main qui t’écrit est celle qui s’est appesantie sur les puissants au milieu des champs de bataille. »

Cette étonnante épître était signée J. B. de B. Mais ces initiales n’étaient pas nécessaires pour prouver à Morton qu’elle ne pouvait avoir été écrite que par John Balfour de Burley. Il fut surpris de l’audace et de l’opiniâtreté de cet homme indomptable, qui, au moment même où son parti venait d’être presque entièrement détruit, cherchait à renouer les fils d’une conspiration dont la trame était rompue. Ne regardant les menaces dirigées contre la famille Bellenden que comme une preuve du ressentiment que Burley conservait de la belle défense qu’avait faite le château, il ne put croire un instant qu’un ennemi fugitif et proscrit dût être à craindre pour ceux qui appartenaient au parti des vainqueurs. La pensée lui vint d’envoyer cette lettre à lord Evandale ou au major Bellenden ; mais, comme elle pouvait aider à découvrir le refuge de Burley, il pensa que ce serait se rendre coupable d’un abus de confiance. Il déchira donc le papier.

Cependant le navire était sorti du port. La proue fendait les vagues. La ville, le port de Leith et les collines se perdaient dans l’azur du ciel, et Morton se trouva séparé pour plusieurs années de sa terre natale.