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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/331

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Vous avez de bons yeux ; mais j’y vois mieux que vous.

— En quoi cet homme ressemble-t-il à M. Henry ?

— Je vous dis que j’ai remarqué comme il détournait son visage et parlait en déguisant sa voix ; aussi l’ai-je éprouvé avec des contes du temps jadis ; et quand j’ai parlé de la soupe chaude, il a eu peine à s’empêcher de rire. Et comme son chagrin vient du mariage de miss Edith, jamais je n’ai vu homme plus véritablement amoureux : je dirais, jamais femme non plus, si je ne me rappelais quelle fut la désolation de miss Edith quand elle apprit que vous et lui marchiez sur Tillietudlem avec les rebelles. — Mais que faites-vous là ?

— Ce que je fais ? dit Cuddy en remettant les vêtements qu’il avait déjà ôtés ; je vais aller voir mon pauvre maître.

— Vous n’irez pas, Cuddy, dit Jenny d’un air froid et résolu.

— Croyez-vous donc que je me laisserai mener toute ma vie par des femmes ?

— Et qui vous mènera, si ce n’est moi ? Écoutez-moi, mon ami : il n’y a que nous qui sachions que M. Henry vit encore. Puisqu’il se cache, je vois que son intention serait de se retirer sans rien dire, si miss Edith était mariée ou sur le point de l’être ; mais, si miss Edith le savait en vie, fût-elle en présence du ministre avec lord Evandale, elle dirait non quand il faudrait dire oui.

— Eh ! que m’importe tout cela ? Si miss Edith préfère l’ancien amoureux au nouveau, n’est-elle pas libre de le reprendre ? — Vous-même, Jenny, n’aviez-vous pas promis à Holliday de l’épouser ?

— Holliday est un menteur, quant à miss Edith, je suis sûre que tout l’or que possède M. Morton est dans la broderie de son habit ; comment pourrait-il faire vivre lady Marguerite et miss Edith ?

— Et n’y a-t-il pas Milnwood ? Quoique, en mourant, le vieux laird l’ait laissé à la vieille Alison, sa vie durant, parce qu’il ne savait ce qu’était devenu son neveu, je suis sûr qu’il n’y a qu’un mot à dire à la brave femme, et ils y vivront tous parfaitement bien.

— Ta, ta, ta. Croyez-vous que des dames de leur rang veuillent faire maison avec la vieille Alison, quand elles sont trop fières pour accepter les bienfaits de lord Evandale lui-même ? Non. Si miss Edith épouse M. Morton, il faudra qu’elle le suive à l’armée.

— Et la vieille dame aussi : elle ne voudrait pas quitter miss Edith.

— Enfin, Cuddy, si le mariage de lord Evandale est rompu, que deviendrons-nous avec quatre enfants ? Adieu la petite ferme, le jardin potager et l’enclos pour la vache.

Cuddy présentait la véritable image de l’indécision. — Au lieu