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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/333

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

vous vous ici au point du jour, au lieu de venir nous joindre à Castle-Dinan, chez vous, où il devait ramener ma mère aujourd’hui ?

— Evandale n’agit jamais par caprice, répondit Emilie, Il nous donnera de bonnes raisons pour se justifier.

— Ma plus grande crainte, c’est qu’il ne se trouve engagé dans quelqu’un de ces complots si fréquents dans le malheureux temps où nous vivons. Je sais que son cœur est avec Claverhouse, et je crois qu’il l’aurait rejoint depuis longtemps si la mort de mon oncle ne lui avait occasionné tant d’embarras à cause de nous. N’est-il pas étonnant qu’un homme si raisonnable, qui connaît si bien les fautes et les erreurs qui ont privé du trône la famille des Stuarts, soit prêt à tout sacrifier pour les y rappeler ?

— Que vous dirai-je ? C’est un point d’honneur pour Evandale. Il a servi longtemps dans le régiment des gardes dont le vicomte Dundee était colonel. Beaucoup de ses parents voient son inaction de mauvais œil, et l’attribuent à un défaut d’énergie. Vous devez savoir, ma chère Edith, que bien souvent des raisons de famille ont sur notre conduite plus d’influence que les meilleurs raisonnements. J’espère pourtant qu’il pourra continuer à demeurer tranquille, quoique, vous ayez seule le pouvoir de le retenir.

— Comment cela ?

— En lui fournissant le prétexte mentionné dans l’Évangile… Il a pris une femme, et par conséquent il ne peut venir.

— J’ai promis, dit Edith d’une voix faible, mais j’espère que, quant à l’accomplissement, on me laissera libre de fixer l’époque.

— C’est ce que je vais laisser à Evandale le soin de discuter avec vous, répondit Emilie, car je l’aperçois.

— Restez, je vous en supplie, s’écria Edith en tâchant de la retenir.

— Non ; un tiers fait souvent sotte figure en pareille occasion. Comme elle sortait du salon, lord Evandale y entra. — Bonjour, mon frère. J’espère que vous donnerez à miss Bellenden quelques bonnes raisons pour l’avoir obligée à se lever si matin.

Miss Edith allait adresser la même question au jeune lord ; mais en jetant les yeux sur lui, elle vit dans ses traits une expression si extraordinaire, qu’elle s’écria : — Mon Dieu, Milord, qu’avez-vous ?

— Les fidèles sujets de Sa Majesté Jacques II viennent de remporter, près Blair d’Athole, une victoire signalée, et qui paraît être décisive ; mais mon brave ami, le lord Dundee…

— Est mort ! s’écria miss Edith.

— Il n’est que trop vrai ! mort dans les bras de la victoire, et il n’est plus un seul homme qui ait assez de talents et d’influence