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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/343

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

sa vie avait été sauvée deux fois. — Je suis un insensé, dit-il, de murmurer contre la Providence. N’ai-je donc plus rien à faire en ce monde ? quand ce ne serait que de supporter avec courage les souffrances auxquelles je suis condamné ! Mais eux-mêmes sont-ils plus heureux ? ajouta-t-il sans oser prononcer le nom de ceux auxquels il pensait : elle est dépouillée de ses biens, il s’engage dans une entreprise dangereuse ! Ne puis-je trouver quelque moyen de les aider, de veiller sur eux ?

Il finit par s’arracher au sentiment de ses propres regrets pour s’occuper uniquement des intérêts d’Edith et de ceux de son futur époux ; la lettre de Burley, qu’il avait oubliée depuis longtemps, lui revint à la mémoire, et un nouvel éclair de lumière brilla à son esprit.

— Leur ruine est son ouvrage ! s’écria-t-il. Si elle peut être réparée, ce ne saurait être qu’au moyen d’informations obtenues de lui. Il faut que je le cherche, que je lui demande des renseignements positifs.

Animé par cette espérance, il chercha à regagner la grande route ; et, comme il connaissait parfaitement tous ces environs, il se trouva bientôt sur le chemin qui conduisait à la petite ville dans laquelle, cinq ans auparavant, il était entré en triomphe, comme capitaine du perroquet. Une sombre mélancolie régnait encore dans son cœur, mais il était sorti de cet état de désespoir auquel il avait été sur le point de succomber. Faisant un effort sur lui-même pour ne plus penser qu’aux moyens de découvrir Burley, et à la possibilité de lui arracher quelque renseignement favorable à celle dont la cause l’intéressait, il prit la résolution de ne rien, négliger pour le découvrir. D’après ce que Cuddy lui avait dit d’une scission entre les presbytériens et leur ancien chef, il concevait aussi l’espoir que Balfour serait moins mal disposé à l’égard de miss Bellenden, et pourrait même exercer pour elle l’influence qu’il assurait avoir sur sa fortune.

Il était environ midi quand notre voyageur se trouva près du château de son oncle. Sa vue fit naître en lui mille souvenirs qui produisaient sur son cœur une sensation douce et douloureuse tout ensemble, sensation qu’une âme tendre éprouve toujours lorsque, après avoir traversé les tempêtes d’une vie agitée, elle retrouve les lieux où elle a passé le temps calme et heureux de l’enfance ; il sentit le désir d’y entrer. — La vieille Alison, pensait-il, ne me reconnaîtra sûrement pas plus que Cuddy et sa femme ; je puis satisfaire mon envie, et repartir sans avoir perdu l’incognito. On m’a dit que mon oncle lui a légué son domaine ; soit ! je ne m’en plains pas ; j’ai des chagrins qui me touchent de plus près. Le bien