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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/364

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

de faire un peu d’escrime. Reprenant ensuite son genre d’entretien froid et solennel : — Tu as tardé longtemps, Henry Morton, dit-il ; tu viens dans la vigne quand la douzième heure a sonné. Eh bien, es-tu prêt à mettre la main à l’œuvre ?

— Je suis surpris, répondit Morton qui voulait éluder ces questions, que vous m’ayez reconnu après une si longue absence.

— Les traits de ceux qui ont voulu opérer avec moi la rédemption d’Israël sont gravés dans mon cœur. Et qui aurait osé me venir chercher dans cette retraite, si ce n’est le fils de Silas Morton ? — Vois-tu ce pont fragile qui unit mon asile à la demeure des hommes ? un seul effort de mon pied peut le précipiter dans l’abîme, me mettre en état de braver la rage des ennemis qui seraient sur l’autre bord, et laisser à ma discrétion celui qui aurait osé le franchir pour pénétrer jusqu’ici.

— Je crois qu’ici vous n’avez guère besoin de recourir à ce genre de défense.

— Le crois-tu ? quand les démons sont ligués contre moi. — Mais n’importe, il suffit que j’aime ce lieu de refuge, que je ne voudrais pas changer pour les plus beaux lambris du château des comtes de Torwood. À moins que ta folle passion ne soit évanouie, tu dois penser différemment.

— C’est précisément de ce château et de ces domaines que j’ai à vous entretenir, et je ne doute pas que je ne trouve monsieur Burley aussi raisonnable que je l’ai vu quelquefois lorsque nous combattions pour la même cause.

— Oui ; en vérité ! telle est ton espérance ! t’expliqueras-tu un peu plus clairement ?

— Volontiers. Vous avez exercé, par des moyens qui me sont inconnus, une influence secrète sur la fortune de lady Marguerite Bellenden et de sa petite-fille ; il en est résulté qu’elles ont été dépouillées des biens auxquels elles avaient des droits légitimes, et que l’injustice en a investi ce vil scélérat de Basile Olifant.

— Tu crois cela ?

— J’en suis convaincu, et vous ne chercherez pas à nier une chose dont la lettre que vous m’avez écrite est une preuve.

— Et en supposant que je ne le nie point, que j’aie le pouvoir et la volonté de détruire l’ouvrage de mes mains, de rétablir la fortune de la maison de Bellenden, quelle sera ta récompense ? Espères-tu obtenir la main de la belle héritière.

— Je n’en ai pas la moindre espérance.

— Et pourquoi donc as-tu entrepris de venir dans l’antre du lion afin de lui arracher sa proie ? Sais-tu que cette tâche est difficile à exécuter ? Qui doit en recueillir le fruit ?