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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/37

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LE NAIN NOIR

— Que mon père ne vous entende pas parler ainsi, ou faites vos adieux au château d’Ellieslaw.

— Eh bien, adieu au château d’Ellieslaw, si vous en étiez dehors et si je vous savais avec un autre protecteur que celui que la nature vous a donné. Ah ! ma chère cousine, si mon père jouissait de son ancienne santé, avec quel plaisir il vous aurait donné asile jusqu’à ce que vous fussiez débarrassée de cette cruelle persécution !

— Ah ! plût à Dieu que cela fût possible, ma chère Lucy ! mais je crains que, faible de santé comme est votre père, il ne soit hors d’état de protéger la pauvre fugitive contre ceux qui viendront la réclamer.

— Je le crains bien aussi ; mais nous trouverons quelque moyen de sortir d’embarras. Depuis quelques jours, je vois partir et arriver un grand nombre de messagers ; on nettoie et on prépare les armes dans l’arsenal du château ; j’en conclus que votre père et ceux qui sont chez lui trament quelque complot. Il ne nous en serait que plus facile de former aussi quelque petite conspiration : nos messieurs n’ont pas pris pour eux toute la science politique, et il y a quelqu’un que je désire admettre à nos conseils.

— Ce n’est pas Nancy ?

— Oh ! non. Nancy est une bonne fille ; mais elle serait un pauvre génie en fait de conspiration, non, non, c’est un Jaffier ou un Pierre que je veux dire, si Pierre vous plaît davantage. Et cependant, quoique je sache que je vous ferais plaisir, je n’ose le nommer, de peur de vous contrarier en même temps. Ne devinez-vous pas ? Il y a un aigle et un rocher dans ce nom-là ; il ne commence point par un aigle en anglais, mais par quelque chose qui y ressemble en écossais[1]. — Eh bien, vous ne voulez pas le nommer ?

— Ce n’est pas du jeune Earnscliff que vous voulez parler, Lucy ?

— Eh ! à quel autre pouvez-vous penser ? Les Jaffier et les Pierre sont rares dans ce canton.

— Quelle folle idée, Lucy ! vos drames et vos romans vous ont tourné la tête. Qui vous a fait connaître les inclinations de Earnscliff et les miennes ? elles n’ont d’existence que dans votre imagination toujours si vive. D’ailleurs, mon père ne consentirait jamais à ce mariage ; Earnscliff lui-même… Vous savez la fatale querelle…

— Quand son père a été tué ! Cela est si vieux ? Nous ne sommes

  1. Miss Ilderton joue ici sur le nom à d’Earnscliff. Earn signifie aigle (eagle) en écossais et cliff, rocher en anglais.